Les feuilles tombent. Et la pluie aussi. Noyant les larmes de la fille assise là, seule , dans ce parc triste et gris.
Maintenant, « elle pleure à gros bouillons » comme disait l’autre. J’ai peur que ma peinture n’y résiste pas.
Un garçon passe et, ému, s’arrête et s’assoit. Il attend, là, il ne sait pas quoi dire. Au bout d’un moment, comme elle renifle, il lui tend un kleenex. Qu’elle prend et s’en va en se mouchant. Il a l’air bête avec ses kleenex tendus. Alors, il s’en va à son tour.
Le lendemain, elle est encore là. Il fait un peu moins froid et triste. Elle ne pleure plus mais elle a l’air grave et pensif. Le garçon arrive à son tour. Il est tout heureux qu’elle soit là. Surtout qu’aujourd’hui, il peut voir on visage. Qui est si beau et si enfantin, mais si ravagé de peines qui ne semblent pas de son âge, qu’il en est bouleversé.
Dès qu’elle le voit, elle se met à pleurer. Et part en courant. Lui, il ne comprend pas. Il reste là, stupide. Il ne comprend pas qu’il représente les garçons qui lui ont fait tant de mal que, sûr, elle va en mourir. Que plus jamais de sa vie, elle n’aimera. Ou alors, pas tout de suite. Ou alors beaucoup moins.
Le lendemain encore, le premier bourgeon apparaît au-dessus de moi. L’air semble léger, presque printanier. Le garçon est là, depuis une heure. Il pense qu’il ne la verra pas. Qu’il ne la verra plus. Que c’est dommage.
Au moment où, sans plus d’espoir, il va partir, elle arrive. Aujourd’hui, son visage est serein. Elle lui dit bonjour. Il n’ose lui sourire. Il a peur de l’effrayer, comme hier. Il ne sait pas qu’aujourd’hui, elle a décidé de tirer un trait sur son passé. Comme tous les garçons, il ne comprend rien aux filles. Mais profite de sa bonne humeur.
Ils se mettent à parler, à se raconter. Ils ne voient pas passer le temps. Mais il va faire nuit. Il faut partir maintenant.
Le lendemain à nouveau, et tous les autres jours, il se retrouvent. Et peu à peu, leur amour éclos. En même temps que les fleurs du parc. Et du printemps. Un jour, son rire cristallin se confond avec le chant des oiseaux. Qu’il cueille au fruit rouge de ses lèvres. Il est si heureux d’être arrivé à la faire rire. Elle répond à son baiser. Les fleurs qui tombent leur font comme un tapis de neige parfumée.
Ils sont heureux, ils rient. Les rayons du soleil sont de plus en plus chauds, comme torrides deviennent leur cœurs et leur corps, au milieu de l’été. Ils ont besoin de se toucher, sans cesse, émerveillés, comme s’ils n’arrivaient pas à croire ce qui leur arrive. Vers la fin juillet, ils parlent même de se marier. Est-ce de là que vient l’expression « publier les bancs » ? Je ne sais.
Mais après la chaleur de l’été, viennent les orages. Dans la moiteur de l’air énervé, elle commence à s’ennuyer. Elle commence à le trouver insipide. Elle ne rit plus beaucoup. Et lui, de plus en plus maladroit, s’éloigne d’elle en voulant la retenir.
Maintenant, elle arrive en retard, part plus tôt. Son visage, si beau, est fermé. Il sait bien qu’un jour, elle ne reviendra plus et que, sûr, il va en mourir. Que plus jamais de sa vie, il n’aimera. Ou alors, pas tout de suite. Ou alors beaucoup moins.
Il sait bien aussi qu’un jour, froid et triste, il pleurera, seul. Et que je ne pourrai rien faire pour le consoler. Mais il y aura peut-être une gentille fille. Qui lui donnera des mouchoirs en papier pour essuyer sa peine.
Voilà plus de cinquante ans que je suis dans ce parc. On m’a repeint plusieurs fois. Toujours en vert. Couleur de l’espoir. Et j’en ai vu des amoureux. Et j’en ai entendu des serments et des disputes.
Mais moi, croyez-moi, je reste de bois !
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