lundi 8 février 2010

Sandwich servi par Fabienne

1ere phrase: Il s’assit, épuisé
dernière: Mais il n’avait pas changé.


Il s’assit, épuisé. Cette mission était la pire qu’il avait effectuée durant toute sa carrière. Et pourtant, il en avait vu des pays en guerre, des populations décimées, exsangues. Ici, point de guerre, seulement un tremblement de terre, seulement....
Il passa la main sur son visage, comme pour effacer ces visions d’horreur. Et partout, l’odeur, l’odeur insupportable des cadavres lui collait aux habits, à la peau, même après la douche la plus minutieuse.
L’installation était spartiate dans le camp, mais il se considérait comme un « nanti » au regard de ces pauvres gens qui avaient tout perdu et qui erraient, perdus, affolés et affamés.
Le travail était dur, moralement et physiquement épuisant. Ils étaient là depuis une semaine et il devenait de plus en plus difficile de trouver des survivants. Pourtant, quelquefois, le miracle avait lieu. Au milieu des décombres, on entendait une voix ou un cri affaiblis. Et là, frénétiquement, ils se mettaient à fouiller. Et quand on sortait un enfant ou une vieille femme, déshydratés, amaigris, blessés, mais vivants, l’espoir renaissait et avec, la foi en leur mission. Mais çà devenait de plus en plus rare... Même les chiens, leurs fidèles compagnons, si efficaces pour les sauvetages devaient être changés régulièrement. Ils « déprimaient » véritablement à voir et sentir tous ces cadavres.
Ce petit pays ne disposait que de peu d’engins. Pourtant quelques-uns s’étaient déjà mis en marche ce matin. Le déblaiement commençait. Et quand les pelles soulevaient des monceaux de gravats, il n’était pas rare qu’il pende un bras ou une jambe arrachés. Il essayait de fermer les yeux, de penser à autre chose, de se dévouer aux survivants. La nuit, cependant, ces images revenaient le hanter.
Il n’en pouvait plus aussi d’entendre les cris de ceux qu’on avait amputés. Car on amputait à tour de bras et on manquait de médicaments, d’antibiotiques et d’anesthésie... l’horreur à l’état pur.
Pourtant, quand il avait décidé d’effectuer des missions humanitaires, c’était, paradoxalement pour se devenir plus fort, moins sensible, pour toucher la souffrance du bout des doigts et mettre un rempart entre elle et lui. Pour que la douleur ne le déchire plus.
Mais il n’avait pas changé.

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