lundi 22 novembre 2010

Addictions cacaotiques by Vivi

Les contraintes :
Deux thèmes :« Blanc » « la Magie de Noël »

Quatre mots : « Certain…tableau…vertu…affiche »
Deux mots extraordinaires :« Alacrité » « Acervule »

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Certaine, j’étais enfin certaine, après une longue maturation, de ma décision d’arrêter, entre autres, la consommation de cet élixir de vie depuis des années.

Là, maintenant, à cet instant précis, il me fallait faire tablette rase de mes pensées nostalgiques et pulsions addictives sur la marchandise pour entrer en résistance. Dur ! Dur !

Déjà, toute mon enfance avait été outrageusement fidèle à la Blanche.

Ce fût longtemps ma préférée, non seulement par goût mais aussi parce que garante de la pérennisation d’aventures hallucinantes et héroïniques d’enfants amis de dauphins sous les cocotiers, auxquels la dite tablette donnait le pouvoir extraordinaire de renvoyer les rayons du soleil dans les yeux des ennemis de la Galaktie ! Ouah ! La vache, c’était de la bonne qui faisait planer!

Une fois, à La Planette- ma maison-un oncle, chauffeur- livreur, en avait même fourni une cargaison en l’absence de mes parents pour la naissance de l’extra-frèrestre de la famille. Les quatre aînés, nous avons fêté dignement l’évènement en cachette et en abusant de quelques deux cent plaques compressées de 100g en quelques jours ; ce qui se termina en overdose collective !

Le reste de la marchandise fût mis à l’abri par notre mère de retour de la maternité et la cervule du placard verrouillée. Nous devions nous contenter alors de rares barrettes, « snif !», d’un produit plus ordinaire, voire camelote qui terminait fondue au centre de nos brioches! Pauvres de nos estomacs !

Un jour, Marie-Jeanne, ma marraine ramena discrètement un coffret souvenir de spécialités suisses. Ma mère avait cru bien le protéger de nos ardeurs et dépendances mais, sans s’être dit l’heure, ni le mot entre les trois aînés, nous traficotions, curieusement sans jamais nous croiser. Nous nous risquions à soustraire de minuscules plaques Mike à pas de loup pour ne pas faire craquer le parquet de l’étage, tout en prenant soin de replacer consciencieusement leurs enveloppes aluminium vides dans leurs étuis restés bombés ; ce à chaque ligne et jusqu’à la dernière.

La découverte de la supercherie devant des invités laissa ma mère confuse et incapable de nous « attripper » ! En effet, jusqu’à ce jour aucune dénonciation dans la fratrie n’est à déplorer, mon père ayant bénéficié de forts soupçons du fait de son penchant notoire pour sa consommation et du fait que l’album se trouvait manifestement dans sa chambre ! Parfait alibi : nous étions des craks aidés par la genèse !

Pour tenter de faire oublier cet épisode helvète, nous suivîmes ensuite une petite cure de désintox avec l’aide d’une poudre blanche concentrée ,plus épaisse que nos parents nous Nestlaient à portée soit en conserve, en tube ou berlingot, capable de nous apporter un minimum d’énergie et de soutient dans nos efforts au quotidien.

Puis dans ma jeunesse, je me suis accoutumée à une autre préparation, parfois molle ou dure, ou coupée avec des noisettes, du riz, de la coco ou pouvant être consommée pure. La palme suprême revient à la majestueuse piémontaise Nue : tella meilleure à lécher à la cuillère et même au doigt !

Poulain d’or restant invariablement la deuxième nous stimula tout de même mon frère aîné et moi, dans un trot de compétitions. Lui s’appliquait à coller des petits coupons bleus sur des planches spécifiques en quantité suffisante afin de recevoir discrètement de petites mallettes en paquets poste dont il amphé tamine de ne jamais vouloir partager. Moi, je speedais dès le matin pour écrire de belles lignes sur mon Nezquick préféré.

Devenue adulte, j’augmentais mon champ d’évasion avec de la Brune : les goûts et les couleurs changent, le portefeuille aussi ! J’aimais bien me faire des shoots très régulièrement à fortes doses et fortes concentrations, de 55, 75 et même 99% à la recherche d’une à la crité inoubliable. Plus il y avait d’acides, plus les effets en étaient percutants. Je pouvais la trouver très pure, même bio et participer ainsi au commerce équitable !

Mais équitables n’étaient pas toujours ses effets sur ma silhouette, renforçant certaines zones plus sensibles que d’autres à sa consommation. C’est pourquoi, je venais de dresser un tableau récapitulatif de ses avantages et inconvénients pour me persuader de l’inévitable éviction de la pâte de cacao et de sucre afin qu’elle ne produise plus de gras sur moi et que je puisse enfin afficher un ventre plat, promesse d’une ligne !

Quasiment (mot dans lequel figure « presque » et « ment ») prête à me sacrifier sur l’autel de la raison, je ne pouvais tout de même pas renier de but en blanc les vertus essentielles du fruit de mon addiction : anti cholestérol, anti stress et du reste aphrodisiaque, bien en phase avec la réalité de mon âge actuel !

Remède et non plus aliment : voilà qui était bien apaisant et redevenait stimulant et puis le Chocolat au moins ça ne déçoit jamais !

Aussi, en dépit des décisions avancées, je m’octroyais, sans aucune culpabilité, une dernière prolongation pour les fêtes de fin d’année, période de trêve et parfois de neige : c’est ça aussi la magie de Noël …et selon la formule consacrée, remettais mes bonnes résolutions au prochain 2 Janvier !



Comme pour Tôntine Monique, de vous avoir raconté tout ça m’a donné soif :

« SVP, resterait-t-il un peu de Blanc ? »

lundi 8 novembre 2010

Beignets Aoutiens by Vivi

Cumul de contrainte (Arno style) :« Aérosol…bus…crème…sont » + « Caramel… vitriol…peine…caviar » + « Diastolique »



« Beignets au caramel, au chocolat, à la pomme pomme ! », s’égosillait le vendeur plagiste, tentant de se frayer un passage entre les corps huilés des vacanciers, serrés comme des sardines prêtes à griller sous le soleil.

Chacun, ici, revendiquait son lopin de sable, un minimum syndical délimité par un parasol central défiant toute imagination en matière de publicité mais d’une utilité indispensable en cas d’éloignement intempestif !

La serviette, traditionnellement en éponge et de grande taille, garante d’une certaine intimité était tirée à quatre épingles et ne souffrait aucune intrusion : le moindre petit grain de sable suscitait instantanément le courroux, surtout pendant la sieste diastolique*.

Alors, gare aux garnements qui s’autoriseraient à courir entre les serviettes et à leurs parents qui se devaient de bien les tenir ! Les Congés payés, c’est pour tout le monde mais les Vacances, aussi !

D’autant plus sacrées pour les Aoûtiens qui avaient attendu ce repos estival mérité un mois de plus, tout en bravant l’inquiétude d’une météo incertaine !

« Bronzer tranquille et de partout » était leur devise, histoire de narguer les collègues de bureau Juilletistes à leur retour et de faire perdurer un ton hâlé jalousé jusqu’à l’automne !

A peine après avoir quitté les nationales de France que ces Messieurs s’étaient confortablement installés dans leurs fauteuils pliants, une bière fraîche à portée,

-celle de la pub du parasol sinon comment auraient ils eu leur protection cet été ?-, le journal régional grand ouvert, servant d’alibi pour scruter tranquillement les bikinis environnants et éviter les reproches incessants de Mesdames.

Celles-ci, bien occupées à surveiller leurs progénitures, l’ombre pour la glacière, et à remplir leurs cases de mots croisés, avaient tout de même l’œil vitriolé ou un 6ème sens…

Le soleil arrivait à son zénith et des effluves de crème solaire, rivalisant de parfums, envahissaient l’iode marine à chaque brisée jusqu’à l’en étouffer.

Des jeunes filles, victimes de la mode et adeptes de la technique de la « crêpe » pour un bronzage parfait, se tartinaient le corps afin de profiter au mieux des ultra-violets, sans en abuser .

S’exposer ainsi nécessitait certaines règles strictes : commencer par la face, puis le côté gauche ; après le droit et enfin le dos, en prenant soin de défaire les attaches du maillot pour qu’elles ne laissent pas de traces, de respecter des rythmes identiques toutes les 15 mn, et de les renouveler sans intention de caviarder : ce n’est plus tendance !

Sont autorisées quelques interruptions pour baignade afin de rafraîchir le corps même si le plus souvent , les filles préfèrent se contenter de pulvérisations de gouttelettes d’eau pure en bombe aérosol, indispensable outil parmi les nombreux accessoires de leur sac de plage !

De quart d’heure en quart d’heure, un petit creux les tenaillait mais surtout la curiosité d’approcher d’un peu plus près le vendeur plagiste, le beau brun aux yeux verts et au torse nu, coiffé d’un Panama : un look d’enfer !

Leur appétit ne s’arrêtait pas à l’ingestion d’un beignet supplémentaire qui de toute façon ne porterait aucune atteinte à leur sublime taille fine, témoin de leur jeunesse.

Avec leurs cris de joies et leurs glorioles, il les avait maintenant repérées.

Mais chut ! Laissons-les se dépatouiller avec le jeune homme !



*sieste de basse tension, contraire à la sieste crapuleuse !

Paul Teurgeust By Fab

Consigne : 4 mots : acidulé, entaché, poltergeist, détaché

- Si ! Ah, si ! du lait... il m’a demandé du lait avant de refermer la porte derrière lui et de se coucher.
-Quelle heure était-il ?
-21 heures, comme tous les soirs
-Il dormait dans son bureau ?
-Oui, depuis quelques temps, il avait des problèmes de dos qui le faisaient atrocement souffrir. D’ailleurs, une kiné venait tous les matins. C’était plus pratique pour lui et puis, il ne voulait pas me déranger.
-Et ensuite ?
-Ensuite, je suis allée dans la salle à manger prendre mon repas.
-Seule ?
-Non, mon mari ne pouvait plus dîner avec moi, mais il tenait absolument à ce que je dîne avec Stéphane, son fils, afin de maintenir les liens familiaux, disait-il
-Était-ce le cas ?
-Non, hélas. Stéphane me déteste depuis le premier jour où son père m’a présenté à lui. Ses dîners se déroulent dans un silence glacial car nous n’avons rien à nous dire.
-Pourquoi vous déteste-t-il, selon vous ?
-Il pense que, compte tenu de notre grande différence d’âge, je n’ai séduit son père que pour son argent. Mais c’est faux, Monsieur le Commissaire, j’aime profondément mon mari. Certes, j’ai vingt cinq ans de moins que lui, mais les hommes de mon âge ou plus jeunes ne m’ont jamais intéressés. Et puis, mon mari est un être infiniment bon et sensible, généreux aussi bien sûr. Il a su me redonner confiance en moi, me protéger de la vie...
-Depuis combien de temps êtes-vous mariés ?
-Trois ans. C’est sûr que nous nous sommes mariés rapidement, mais Paul ne voulait pas attendre. Il avait déjà soixante dix ans et disait qu’il ne lui restait que peu d’années à vivre, mais qu’il avait droit au bonheur... avec moi... Et je vous assure, Commissaire, notre bonheur aurait été parfait s’il n’y avait pas eu Stéphane.
-Quels sont vos sentiments vis-à-vis de votre beau-fils ?
-Au début, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour qu’il m’accepte, non pas comme une mère, certes, mais au moins comme une amie. Et puis, son attitude, ses incessantes remarques désobligeantes à mon égard ont eu raison de ma patience et de mes efforts. Depuis, j’adopte, envers lui, une politesse tout à fait conventionnelle.
-Pouvez-vous me dire ce qu’il s’est passé ce soir-là ?
-Vers 22 heures, Marie, la servante avait desservi la table et était partie se coucher. Elle préférait ranger tôt le lendemain matin. Moi, je suis montée me coucher dans ma chambre, au premier. J’ai pris un somnifère, comme tous les soirs. J’ai lu quelques pages de mon livre mais me suis bien vite assoupie. J’ai été réveillée par un bruit de lutte. Ma chambre se trouve juste au-dessus du bureau. J’ai mis un peu de temps à reprendre mes esprits, pensant que j’avais fait un cauchemar. Plus aucun bruit ne se faisait entendre. Malgré tout, j’ai mis ma robe de chambre et suis descendue dans le bureau. La porte était fermée à clé.
-Était-ce normal ?
-Oui, mon mari dort peu et ne veut pas que Marie le dérange quand il lui arrive de somnoler.
-Et alors ?
-Alors, j’ai tapé à la porte et.... c’est Stéphane qui m’a ouvert. Il avait l’air aussi bouleversé que moi-même. Là, sur le plancher, ne restait que le pyjama de mon mari. En tas ! Cherchez-le, Commissaire, je vous en conjure !
-Nous ferons notre possible, Madame.
Brigadier, faites entrer Monsieur Stéphane.

Un jeune homme d’environ trente cinq ans entra. Ses traits, qui avaient su garder des expressions enfantines étaient réguliers. Il était plutôt bel homme. Tout comme sa belle-mère, il avait les yeux rougis et l’air égaré.

Le commissaire se mit à réfléchir, puis résuma :

-à 21 heures, vous , Madame, vous avez amené un verre de lait à votre mari, Monsieur Paul TEURGUEST, PDG des fameux « petits pâtés Teurguest », entreprise internationale. Il a refermé la porte à clé derrière vous. A 22 heures, Madame Eléonore TEURGUEST, épouse du disparu, êtes montée dans votre chambre.
Et vous ? Monsieur Stéphane ? Qu’avez-vous fait pendant ce temps-là ?
-je suis allé fumer un cigare et boire un cognac dans le petit salon.
-Vers 23h30, du bruit, vraisemblablement venu du bureau de votre mari vous réveille, vous Madame. Avez-vous entendu quelque chose, Monsieur Stéphane ?
-Vaguement. Le petit salon est situé loin du bureau, de l’autre côté de la maison. Cependant, je suis quand même allé voir si mon père avait besoin de quelque chose. La porte était fermée à clé. Je suis rapidement sorti car la fenêtre du bureau donne sur la façade. Celle-ci était cassée et ouverte en grand. Il y avait eu une lutte car des objets étaient renversés.
Quelqu’un a tapé à la porte. Je suis allé ouvrir. C’était Eléonore. Elle avait l’air très angoissée. Elle s’est mise à crier quand elle a vu le pyjama sur le plancher. Moi-même, je n’avais pas eu le temps de le voir. Mon père n’était plus là... il avait disparu.

-Pensez-vous qu’il puisse s’agir d’une fugue ?
-Une fugue ? vous n’y pensez pas, Commissaire, fit Eléonore d’un air incrédule. Au non, Commissaire, il n’y avait aucune raison. Paul semblait si heureux, malgré ses souffrances physiques. Et d’ailleurs, nous faisions tout notre possible pour les atténuer. D’autre part, nous n’avons jamais fait état devant lui de notre... mésentente, son fils et moi, dit-elle en regardant d’un air de reproche Stéphane.
-Monsieur Stéphane, quels étaient vos rapports avec votre père ?
-Excellents, Commissaire, fit ce dernier d’une voix chevrotante. Mon père est quelqu’un d’exceptionnel que j’admire plus que tout. Nous sommes très près l’un de l’autre depuis le décès de ma mère, il y a dix ans. Nous avons régulièrement de grandes conversations sur tous les sujets. Père est très ouvert et a une intelligence très vive. Je suis bouleversé que quelqu’un ait voulu lui faire du mal. Et si je n’avais pas vu sa femme devant sa porte et si bouleversée, j’aurais pensé que c’était elle qui avait manigancé sa disparition. Maintenant, je regrette... . Qu’en pensez-vous, Commissaire ?
-Je pense que Monsieur TEURGUEST a été enlevé et qu’une demande de rançon ne va pas tarder à arriver.
-Eléonore, pouvons-nous faire une trêve et unir nos forces pour le retrouver ? fit Stéphane en tendant la main à sa belle-mère
-Oui, Stéphane, mon vœu le plus cher est que nous le retrouvions, à n’importe quel prix !
-Je vais mettre le téléphone sur écoute, ainsi, nous aurons peut-être la possibilité de localiser les kidnappeurs. Je vous remercie tous deux de votre collaboration.

Le commissaire tourna le dos et partit. Il ne vit pas le regard étrange qu’échangèrent Stéphane et Eléonore. La haine qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre était leur alibi...

Eléonore se revit mettre un puissant somnifère dans le lait de son mari. Stéphane n’avait eu qu’à exécuter la suite du plan.
Stéphane... qu’elle avait aimé dès qu’elle l’avait vu et dont elle était la maîtresse insatiable. Elle avait passé trois longues années avec son père, ce vieillard malade et grincheux. Elle avait mérité d’être enfin heureuse et l’avenir s’annonçait radieux ! Evidemment, il allait falloir faire attention, très attention même pour que personne ne les soupçonne. Ensuite, leur rapprochement semblera évident, ils se « consoleront » tous deux de cette grande « perte ». Un léger sourire se dessina sur ses lèvres pleines et si bien dessinées.

Stéphane, quant à lui, admirait Eléonore. Non seulement elle était d’une beauté à couper le souffle, mais son côté fleur bleue doté d’un machiavélisme incroyable lui plaisaient plus que tout.
Ils allaient bien s’amuser avec l’argent du vieux. Ce vieux radin, qu’il avait supporté si longtemps... Évidemment, au début, il faudrait faire très attention, ne pas commettre d’erreurs.
Et si, par la suite, les années qui les séparaient venaient à lui peser, il saurait s’en débarrasser. Il était à la bonne école avec elle, elle lui avait apprit tant de choses....


FIN

MON ENCAS, MON CAS OU by Fab

C’est mon cas où, mon encas à moi.
Je ne l’ai jamais vu vertical, c’est mieux comme çà
Faut pas lui demander de parler,
Il n’a rien à dire, rien à raconter.

Avec lui, pas besoin de sentiments,
Comme d’autres sont artistes, il est amant
Et érige le sexe en religion
Qu’il pratique avec adoration

Les caresses sont ses mots et le sexe son expression
Il ne sait faire que l’amour, c’est un don
C’est mon encas à moi, mon cas où,
Croyez-moi, c’est un super bon COUP !

dimanche 7 novembre 2010

Arnostival 2 le retour de la revanche

Sur 3 exos : thème = une journée de merde + 4 mots = triptyque – pyriforme – oriflamme – dard + 2 mots extras = exogène & gamahucher

Mon triptyque matinal du réveil est perturbé. Je commence à me laver, puis je continue en fumant et je me force à prendre mon petit déjeuner. La mauvaise humeur était présente au saut du lit. Elle ne s’atténue pas après mon protocole inversé du réveil. Parfois cet automatisme matinal est complété par un bon vidage d’intestins. Ce matin, rien à faire, pourtant mon ventre gargouille. Je pars enfin au travail. Mon état ronchon s’amplifie dans la circulation. J’invective la plupart des conducteurs, de temps en temps directement les véhicules, que je croise. Je peux au bout de vingt minutes de route ma garer. J’entre dans le bâtiment. A peine j’ai le temps de m’installer que mon chef me saute sur le paletot. Il m’ordonne de la remplacer à la réunion de huit heures avec le commercial d’un fournisseur. A contre cœur je me rends dans notre salle de réunion pour le rendez-vous, dossier en main. Je sais que j’aurais du mal à me concentrer aujourd’hui. Je veux être tranquille pour faire mon train-train quotidien. Le vendeur est déjà présent à m’attendre. Je ne peux m’asseoir qu’il m’agresse par les salutations et présentations d’usage. Je lui rends sa politesse sèchement en espérant qu’il comprenne que je ne veux pas passer par les formules de copinage. Mais j’exige aborder tout de suite le fond du sujet de notre rencontre. Le message est passé. Il attaque prestement sa présentation. Il me transmet parcimonieusement des documents. Je déteste leur petit logo. Je comprends rien à leur oriflamme représentant pour moi un dessin pyriforme coupé d’un dard. Je me demande ce qu’ils veulent montrer avec cela. Je ne comprends pas aussi les explications du représentant, ce qu’il veut me vendre. Je n’avais pas cherché tout à l’heure à déchiffrer les précisions de mon supérieur sur cette réunion. Je n’avais pas eu la volonté. Mon je-m’en-foutisme reste. Je n’arrive pas à m’intéresser au débit de paroles de mon interlocuteur. Au bout d’une heure et demie d’écoute, sans avoir peu parler de mon côté, j’arrive à conclure notre rendez-vous. Je précise que je ne peux pas prendre des décisions à la place ma hiérarchie. Je rapporte dans l’heure ses arguments et documents donnés à ma direction. Celle-ci le contactera directement pour l’informer de leur choix. Nous nous saluons. Je peux au final quitter cet exogène chiant du commerce. De retour à mon bureau, je souffle, je respire, enfin tranquille. Je vais en plus pouvoir travailler librement. Mon supérieur a été obligé de partir gamahucher avec toute la direction pendant la journée entière. Merde ! Je dois écrire ce rapport de réunion d’achat où je n’ai absolument rien pigé. Quelle journée de merde ! il faut que j’arrête de sortir le soir pendant la semaine. Les charges que je me met ne me réussissent pas le lendemain.

Haiku nourrice par Arno

J’épingle la nourrice,
Après la prise, l’extincteur,
Chiffons envolés.

Arnostival (= Arno + festival)

Sur 3 exos : thème = Piment + 4 mots = fil – poteau – taureau – caillou + mot extra = Acétabule

L’opération devenait délicate d’attacher les acétabules avec du fil au poteau pour les faire tenir debout. Celles-ci étaient pleines à ras bord. Il ne fallait pas les fermer tout de suite. Nous devions laisser le liquide travailler. Le temps d’une dernière fermentation, ce liquide s’évaporait un peu. Mon grand-père délaissait les amphores pendant plus d’une semaine. Moi, chaque jour, j’allais voir le résultat de cette transformation biologique. Son odeur s’accroissait de jour en jour, m’attaquant les narines. Le jour fatidique arriva. J’accompagnais mon aïeul et mon père à la dégustation du breuvage. A l’entrée de la salle, je voyais la joie sur leurs visages en humant le parfum dégagé par les acétabules. Mon grand-père avait l’air de rajeunir. Par un discours cérémonieux, il m’annonça que j’avais l’âge de goûter le breuvage sacré. Celui-ci m’apportera vigueur et force comme un taureau. L’ancien débuta, suivi de mon père. Ils ne bronchèrent aucun mot tous les deux. C’était mon tour. Suivant leur conseil, je bu une petite gorgée de la louche. A peine arrivé en bouche, cet ersatz de vin ou vinaigre, fortement pimenté, détruisait mes papilles gustatives. Je ne pu que déglutir alors que j’aurais du recracher. L’alcool attaquait mes parois internes. Mes poumons et mon estomac explosaient. J’essayais de tousser pour respirer mais impossible, comme si j’avais avalé un caillou bloquant ma trachée. Mon père me frappa sèchement dans le dos. J’aspirais de nouveau, les yeux pleins de larmes. Je venais de passer l’épreuve initiatique des hommes de ma famille : survivre à la boisson ancestrale. Celle-ci était un secret de fabrication. Pure, elle ne pouvait pas vraiment se boire. Depuis des générations, mes ancêtres la mélangeaient, une fois à maturité, parfois avec du vin, sinon avec du vinaigre et aussi avec de l’huile. Ils vendaient quelques bouteilles de vin doux pimenté illégalement aux connaisseurs. Par contre dans les marchés des environs, seule était reconnue légalement la vente de nos produits pimentés, huile et vinaigre.

« Les Antilles » Kaïkaï par Vivi

Boudin aux pommes
Amène trop la saveu
Doudou agoulou !


Ti-punch au planteu
Amène trop la chaleu
Ka fé cho zouker !


Ti-punch au Kréyol
Amène trop la chaleu
Doudou bay on bo !

(Chéri donner un baiser !)

Ti-punch aux Antilles
Amène trop la chaleu
Ah Golo Golo !

« Carnet de voyage » by Vivi

Fidèle compagnon des fois jusqu’au Bout du Monde
Montant la garde quand la pensée est soudaine, féconde
Tu offres entier, ton cœur et tes pages à nu
Pour les habiller, leur donner à chacune une vertu
Des mots y gravent les rencontres de grand chemin
Quelques coups de fusain croquent un bout de destin
S’y adonnent des fantasmes, des rêves parés d’aquarelles
Se composent des reportages quelque soit les âges
Avec des souvenirs exposés pêle-mêle en photos-montages
L’intrépide globe-trotter ou l’intuitif blog-trotteur
Sillonnant la Planète, de Tombouctou jusqu’aux Antilles
Sa créativité sur mode vibreur, l’empêchant parfois de dormir tranquille
Voyage une vie ou toute la vie pour t’enrichir de son labeur.

A Serge, mon frère : extrait remanié de son « 50ème Nénéversaire » by Vivi

Exercice 4 mots :« Mousse…travers…clair…portable »

Je devais admettre, à postériori, sur moi son avantage
De n’avoir peur de rien alors que j’avais peur de tout
Ceci certainement du à l’insouciance de son jeune âge
Et d’avoir besoin d’elle comme d’un cobaye : aujourd’hui, je l’avoue !
En effet, tout petit, ma seule gloire avait été de crier « caca-pot !»
Pour me risquer sur la vielle mousse du Petit Pont de bois de « La Planque »,
Je manquais clairement et à chaque fois de courage, de culot
Préférant en tester la solidité grâce à ma petite sœur, au cas où une traverse ne manque.
Puis, pour la remercier, je jouais avec elle à bataille navale dans le ruisseau
Faisant au passage des coups bas afin qu’elle tombe à l’eau
Espérant réaliser ainsi un doublé rusé : la fessée en rentrant
Qu’elle parvenait à esquiver en allant se sécher chez les grands parents :
Une façon bien à elle de me renvoyer la balle !
Du coup, je perdais toute maîtrise car plus rien n’était rapportable !

mercredi 20 octobre 2010

Cupidon par Vivi

4 Mots : « Flèche…corail…malédiction…vent »



Avec des flèches de désir plein son carquois, cet Ange de l’Amour, capricieux à souhait, s’essayait à rendre les humains amoureux, comme l’exigeait sa mission.

Fort de sa petite expérience en tirs, une de ses munitions ripa malencontreusement sur le parterre de corail d’une île et atterrit dans l’eau.

Un poisson fût innocemment touché par le tendre missile qui ne lui était pas destiné.

Malédiction pour les amoureux du signe du Poisson car depuis ils nagent en eaux troubles ! Avoir un « Poisson » comme partenaire, ce n’est pas « nager dans le bonheur » mais risquer des réactions nébuleuses, voire imprévisibles.

En effet, vous qui pensez avoir rencontré l’âme sœur au corps de Sirène ou l’âme-frère en taquinant le goujon et qui avez mordu à l’hameçon, vous croyez être heureux comme un poisson dans l’eau !

Méfiance ! Gare aux possibles écailles, pardon écueils de votre relation.

Ce partenaire peut vite avoir la mémoire courte d’un poisson rouge et vous prendre le bocal !

Plus en confiance, quand il y a « anguille sous roche » ou « murène sous patate » : ne restez pas muet comme une carpe car il va essayer de noyer le poisson ! Faites- vous entendre sans monter trop fort le thon au lieu de vous engueler comme du poisson pourri, de vous traiter de « vieille Morue » ou de « sale Maquereau » !

Aqua bon boire la mer et tous ses poissons si votre partenaire a le défaut extrême d’être avrilopiscicophiliste, il vous posera un lapin et votre histoire sentimentale se terminera en queue de poisson.

A la réflexion, je ne pense pas que le petit plaisantin, responsable de ces méfaits ne s’en soit jamais vanté : « il est des jours où Cupidon s’en fout ! »

mardi 28 septembre 2010

LE PIMENT haïku de Diego

LE PIMENT

Long comme une bouche
Vif comme des coups de fouet
Et puis tout s’enflamme.

VICTOIRE par DIego

Couper le fil avant l’adversaire sympathique
Et pour moins d’une seconde le coiffer au poteau
Voler comme un caillou et rendre à l’esthétique
La primitive force brute du taureau.

Les Poux par Diego

LES POUX

Une épingle à nourrice en travers du nez, trois bouts de chiffons en guise de jupe et un vieux débardeur bien trop grand, elle déambulait entre le Pont La Feuillée et le Quai Saint Antoine, aguichant le passant en quête d’exotisme facile pour mieux le narguer une fois la pièce soutirée.
On aurait pu croire à son accent qu’elle était anglaise, et à sa chevelure de feu irlandaise, mais un henné qui avait mal viré et l’élocution pâteuse des junkies expliquaient l’un et l’autre. Malgré tout les badauds s’y laissaient piéger et loin de moi l’idée de leur jeter la pierre : je fus l’un d’eux !
Le jour où, penaud, je me confiai à ma mère et que, fouillant dans ma tignasse de jeune qui veut bouffer le monde elle y trouva non seulement des poux, mais aussi des lentes, je pavoisai moins. Inquiète à l’idée que mon père puisse s’en apercevoir, lui pour qui tout parasite qui soit et quelle qu’en fut sa provenance était affaire de miséreux, elle utilisa en ces temps de vaches maigres les moyens du bord.
Pour me défaire de l’invasion naissante elle me fit passer une nuit entière la tête imbibée de pétrole lampant et enturbannée dans une serviette. Efficace en diable contre les anoploures et leur progéniture certes, mais aussi pour vous dessécher le cuir chevelu et vous donner l’impression qu’un élastique géant vous enserre le crâne et cherche à le fuir par le haut en permanence. J’avais des envies furieuses de me marteler le crâne à coups d’extincteur. Par bonheur mes parents n’en possédaient pas ! Je tins bon.
La morale de cette aventure de jeunesse c’est que si depuis j’ai donné prise quelquefois encore à des émois passager pour des qui ne semblaient pas autochtones et trémoussaient des hanches (fan de Ferré « j’aimais déjà les étrangères quand j’étais un petit enfant »), j’en restai toutefois à une distance de sécurité respectable et m’en suis toujours bien trouvé !

Acétabule par Diego

ALCHIMIE

L’acétabule piriforme luirait des ors d’un soir tombant
sur son ais frêle taillé de l’orme, loin des fourneaux fourbis pourtant.
Couvant en la cocotte ronde, par le couvercle marmottant,
le riz au gras tout mitonnant dirait en effluves sa faconde.
Les tubercules alignés tous voués à la mandoline
espéreraient huile et sabines pour batailler en saladier.
Tout reposerait, ascétique, durant ce long moment de grâce
en savourant le temps qui passe, douceur de vivre balsamique.

Un soir d'atelier Par Vivi

4 Mots « Epingle…chiffon…extincteur…prise »


Voulant encore une fois sortir son épingle du jeu pour « bloger » à souhait, Monique, en manque d’inspiration pour le nouvel exercice de l’atelier d’écriture, vociféra son mécontentement à l’assemblée.

Est-ce le punch des Iles qu’elle avait sifflé en ce début de soirée ou ses neurones qui n’étaient pas assez innervés ? Elle prétendait ne jamais avoir eu connaissance de la règle du jeu concernant l’ordre des mots dans les exercices. Et par là même se plaignait de ne jamais avoir mélangé « chiffons et serviettes » dans ses textes, revendiquant du coup un mérite plus grand !

Il faut dire que les mots avaient eu du mal à sortir de la bouche de notre professeur….en dilettante semble-t-il ce lundi, à tel point que l’extincteur fixé au mur en face de lui l’avait inspiré… : peut-être avions nous échappé à pire ?

Mais Monique, encore énervée, se cogna malencontreusement un genou sous la table. Nous étions tous inquiets pour notre Tôntine quand Arnaud qui ne faisait pas qu’éponger l’alcool de la soirée mais aussi les gouttes de transpiration sur son front avec son chiffon à carreaux (entre nous soit dit, il avait choisi la seule place qui ne soit pas stratégique, c'est-à-dire celle sous le ventilateur d’où il ne pouvait en aucun cas ressentir les effets !), la soulagea sous la table.

Quand Monique soupira de plaisir, quelle ne fût pas notre surprise !!!

lundi 27 septembre 2010

Mot extraordinaire : Acétabule

Supplique à n'importe quel ado...

Je te le dis sans préambule,
Je suis fatigué de tes bulles
Et de tes jeux de mandibules
Chaque fois que tu déambules
De la cuisine au vestibule.
Toujours en plein conciliabule,
Aussi absent qu'un funambule.
Assez ta bulle ! Assez ta bulle !!!

Par Tôntine Mônique !

dimanche 26 septembre 2010

'En panne' de Vivi

" galet...voler...roue...feuille"

Quelle galère ces exercices de l'atelier d'écriture!
Je dois me creuser les méninges tous les lundi soirs.
Pas un once d'imagination alors je glane des idées auprès de quelques muses;
espère qu'elles volent à mon secours pour que je m'amuse enfin avec les mots.
Ce soir, comme souvent, je me sens complètement rouillée et je suis encore en train de sécher sur ma feuille!

mardi 14 septembre 2010

NUIT D’IVRESSE OU DELIRIUM (PAS SI MINCE QUE CA !) par Fab

La chaise était inclinée, tout comme la table et les meubles, d’ailleurs… quant au lit, il n’arrêtait pas de tourner. Pire qu’un manège, à m’en donner la nausée….
Mes amis de l’atelier d’écriture venaient tout juste de partir et il semblait qu’un apprenti sorcier s’amusait avec mon mobilier !
J’avais soif ! mais je n’arrivais pas à ouvrir la porte du frigo qui faisait de grands mouvements. A droite, à gauche, à droite, à gauche… Fallait être plus maline qu’elle et la choper par surprise. Çà y est ! la tenant fermement par la poignée pour qu’elle arrête ses balancements, je luis chuchotais des mots doux pour la dompter et hop ! je l’ouvris prestement pour y prendre une canette. Heureusement, je savais toujours à quel endroit précis étaient les canettes. Je ne les rangeais jamais au hasard. Je refermais cette porte tout aussi rapidement, mon butin bien serré contre moi, car maintenant, c’était le plancher qui faisait des siennes. On se serait cru sur le pont d’un navire, par grosse tempête. Me tenant contre les murs, je remontais la coursive pour atteindre le canapé. Il se trouvait au milieu de la pièce et je devais faire quelques pas dans le vide. J’attendis quelques secondes pour bien m’imprégner du roulis : toutes les sept vagues, un grosse vague, puis une moins grosse, et enfin, une petite…
Un, deux, trois, je me lançai pour me jeter sur le canapé. C’était pas si mal que çà, mais j’étais tombée à genoux, me cognant le menton contre l’accoudoir en bois massif. Un goût de sang envahit ma bouche. J’escaladai vite pour me mettre à l’abri. Il n’aurait plus manqué qu’un requin passe par là....
Heureusement, je n’avais pas perdu ma bière et, après l’avoir ouverte, m’apprêtai à la déguster. Zut, j’avais oublié le roulis et en renversai la moitié…. Je mis fermement ma bouche autour du goulot pour la terminer. Çà faisait du bien ! J’aurais dû le prévoir, j’eus aussitôt une envie irrépressible de pisser.
Pour ne prendre aucun risque, je décidai de rejoindre la salle de bain à la nage, car j’avais pied. Par temps calme, elle n’est pas si loin que çà du salon, mais avec un vent contraire, ce fut une autre affaire. Un moment, je fus tentée de faire pipi dans la mer, mais non, que diable, un peu de tenue !
J’arrivais épuisée aux toilettes. J’eus à peine le temps de souffler. Voilà déjà que je les empoignais à deux bras pour ne pas qu’elles s’éloignent et tentai de me relever. La manœuvre était délicate car, sitôt debout, il fallait aussi sec se retourner et s’asseoir.
Au prix d’immenses efforts, je me mis donc debout, et là… grand noir !
Ce n’est que le lendemain matin que je m’aperçus, nageant cette fois-ci dans le vomi et l’urine que ma tête avait cogné contre un tas de bouteilles vides.






Elle s’appelait Liane. Elle était belle, très belle et s’était toujours servie des hommes pour assouvir son immense envie de richesse.
Saint-Barth l’été, Avoriaz l’hiver, elle ne voyait des rivières qu’en diamants et ne parlait jamais de solitude mais de solitaire….
Elle choisissait longuement sa proie car il fallait que celle-ci ait du répondant et puisse durer au moins quelques années…. Ensuite, ce n’était qu’un jeu d’enfant pour elle de se faire aimer. Aimer à en perdre la raison. Elle ne lâchait son gibier que lorsqu’il était exsangue, ruiné, au bord du suicide, pour aller en cueillir un autre.
Les héritiers la fuyaient. Les femmes des grands magnats la détestaient et priaient au fond de leur cœur pour qu’elle ne choisisse pas leur mari « en or ».
Et chacune s’accordait entre elles pour la surnommer : la Liane étrangleuse.

DESTIN COMMUN par Fab

A l’ombre d’un niaouli,
Deux papillons unis.
L’un vit le jour, l’autre la nuit
L’un éveillé, l’autre endormi
L’un est femelle et l’autre mâle,
N’y voyez aucun mal.

L’un est bleu et de velours noir bordé
L’autre, marron, antennes courtes se trouve laid.
Mais les lois de la nature
sont impénétrables
et alors que rien ne dure,
ils devinrent inséparables

Papillon de jour folâtrait dans les fleurs de la brousse
Papillon de nuit s’enivrait des senteurs sous la lune rousse
à l’aube ou aux rayons crépusculaires
au moment où tous deux étaient posés
chacun avec tristesse racontait
ses aventures solitaires.

Alors ils décidèrent de tout partager
car le monde n’est beau qu’en entier
et tout ce qui aurait dû les éloigner
d’une conversation passionnée devint le sujet.
Ils échangeaient tout
les couleurs et les goûts.

Bien vite, un amour éperdu
remplaça l’amitié du début.
Mais la fin de l’été approchait
et la leur avec, ils le savaient...

alors, dans un ultime effort,
dame papillon pondit le fruit de leur accord
et entoura de ses belles ailes
son ami, compagnon fidèle
pour l’éternité...

Maintenant, en Calédonie,
à l’ombre des niaoulis,
tous les papillons sont BLEU NUIT !

lundi 13 septembre 2010

Sandwich (la chaise était inclinée ... bouteille vide) + 4 mots (oasis, tambour, perruche, conserve)



La chaise était légèrement inclinée, position propice à la rêverie et à la méditation.
Samir, assis au bout de la table était toujours parfait dans cette situation.
Il avait lancé son quatuor de mots à la compatibilité très improbable et attendait nos productions.
En silence, chacun de nous essayait d'ajuster au mieux et de rendre intéressants ensemble quatre mots, souvent aussi mal assortis que :
"oasis, tambour, perruche, conserve".

Je n'arrivais pas à me concentrer, car depuis que je participais à cet atelier d'écriture deux questions me hantaient :
- que faisait Samir le reste de la semaine quand il n'était pas là, avec nous, assis au bout de la table ?
et
- que diable retirait-il de toutes les petites pensées intimes cachées ou révélées dans nos textes "qui sentent le vécu" ?

Déjà, lundi dernier, j'avais eu bien du mal à tenir ma langue car durant mon voyage au Pérou j'avais trouvé la réponse à ces obsédantes questions et je brûlais de partager le secret avec vous.

C'est à Calca, précisément, petite cité andine sans touristes ni cartes postales mais qui se dit pourtant être "la Capitale de la Vallée Sacrée de l'Inca" que j'ai tout compris.
Au coin de la Place d'Armes et de la calle Grau, j'ai cru défaillir en découvrant , au dessus d'une porte, par ailleurs bien ordinaire, une large pancarte qui disait :

Guérisseur - Spiritiste
Samir Ange du Bonheur
soigne les maladies rares, les peurs, le mauvais air
Santé, Argent, Amour
Consulte ton destin ici.


Bien sûr, je suis entrée pour un rendez-vous. Il n'y avait personne.
C'est la petite marchande d'à côté qui m'a appris que Samir ne consultait jamais le lundi.
Je sentais bien que cette absence hebdomadaire l'intriguait mais je me suis bien gardée de lui révéler que je savais où était Samir le lundi.

Voilà, je me sens soulagée du secret partagé mais vous raconter tout ça m'a donné soif.

Malheureusement toutes les bouteilles sont vides !

Par Tôntine Monique

Adèle - 1ère Partie - Le Coco à des yeux - par Motor Poule

Le coco a des yeux. "Le coco a des yeux... et il voit pour ne pas tomber sur la tête des gens."
On a tous entendu cet adage populaire bien connu sous les cieux ultramarins où poussent en abondance les cocotiers.
Ça fait sourire jusqu'au moment où les évènements vous clouent le bec et le doute.

Le coco a des yeux et il voit.
J'en ai la preuve.

J'avais, dans mon tout petit jardin, un trop grand cocotier très prolifique. Ses cocos tombaient en nombre, sans souci de l'heure, jour et nuit et dans un rayon considérable.
Certains sur l'herbe, au pied de l'arbre, dans un bruit sourd et avorté, d'autres en roulant sur une palme qui les envoyait jusque sur le toit en tôle du voisin, déclenchant aussitôt une alerte à la bombe par les chiens du quartier.

Le coco a des yeux et il voit, c'est sûr.

Non seulement il voit mais il a une conscience solidaire, sinon comment expliquer que le plus gros d'entre eux ait choisi, entre mille visiteurs, d'atterrir, avec une remarquable précision, sur le crâne d'Adèle et lui faire une sacrée belle bosse, le contre-coup lui froissant un peu les cervicales en prime.

Je ne sais plus pourquoi cette vipère s'était glissée chez moi alors que je m'en méfiais comme de la peste.
Mielleuse, fourbe jusqu'à la moëlle et qui vous entortille au point de venir mettre son nez dans votre jardin, sous votre cocotier.

Ahhhhhh, je sens bien que vous aussi avez une Adèle parmi vos chers collègues de travail !
Rien d'étonnant, il y en a une dans chaque équipe.
Mais, si par chance, vous avez aussi un cocotier dans votre jardin, n'hésitez pas à inviter ce faux-cul pour un petit goûter entre amis.

Le coco a des yeux et il SAIT .

Adèle - 2ème Partie - La liane étrangleuse - toujours par Motor Poule

Étrange !
Il y a près de l'étang
Une liane qui étrangle.

Cette affreuse tueuse, vicieuse,
Boit le sang, brise les dents.
Elle tord, elle mord sans remords.
Tire, déchire. Morte de rire
Elle broie sa proie et la noie.

Étrange !
Il y a près de l'étang
Une liane qui étrangle.

Quand j'ai appris la nouvelle,
J'y ai emmené Adèle.

thème : la liane étrangleuse


Par tous ses je t'aime,
comme une liane étrangleuse,
elle nous phagocyte.

Au début, tu l'aimes
et peu à peu elle devient
la liane étrangleuse

Restée maman poule,
comme une liane étrangleuse
ne lâche pas son fils

Village de Prony,
elle a tout enseveli,
la liane étrangleuse.


samedi 11 septembre 2010

Sandwich : Un gros crabe …. le lendemain à l’aube.

Un gros crabe de cocotier, mort depuis longtemps, les pattes et les pinces à moitié déglinguées, et verni pour lui garder son éclat, et bien figurez-vous que c’est mon premier contact avec l’exotisme des iles du Pacifique. J’avais six ans, j’étais au cours préparatoire, et l’institutrice nous montrait fièrement cet objet rare. C’était il y a 40 ans, en plein centre de Nice. Nous étions tous des petits français moyens, et sans la moindre conscience de ce à quoi pouvait ressembler les tropiques, sinon les plages et les cocotiers ouvrant sur une mer turquoise. Bref ce crabe était une époustouflante surprise car aucun de nous n’avait déjà vu, ni même imaginé, qu’un crabe puisse être aussi gros et aussi coloré.

Les années ont passé et mes pas m’ont mené à Marseille, puis à Toulouse, où je fis ma deuxième rencontre avec l’exotisme, par le biais d’une étudiante calédonienne qui devint bien vite ma compagne. Et le jeune marseillais des banlieues que j’étais, cédant aux sirènes du Pacifique, s’est retrouvé deux mois après, dans un avion, avec un aller simple pour le Caillou. N’allez pas croire pour autant que la décision de quitter ses racines a été facile. C’est quand même impressionnant, lorsqu’on vole à 10.000 mètres d’altitude entre Tokyo et Nouméa, de songer que vous allez redémarrer une nouvelle vie, le lendemain à l’aube.

4 mots : goutte – charité – demeure – héritier

Goutte à goutte la vie s’écoule. Notre réservoir de vie se vide sans qu’on s’en rende compte vraiment. En tout cas, pas d’un jour sur l’autre. Quand on est jeune, on s’imagine avoir tout le temps devant soi pour mener les projets les plus fous.. Et puis bien sûr, on se fait prendre par le système, on reproduit les comportements de nos ainés. Charité bien ordonnée voudrait qu’on se consacre d’abord à soi-même, à se donner les moyens de réaliser ses rêves. Et bien non. Nous sommes les héritiers d’une civilisation avec ses codes, ses limites, et ses contraintes qui vous engagent dans une voie, celle qui se dessine pas à pas devant nous, au mieux de nos opportunités, mais rarement en fonction de nos désirs profonds. Il n’en demeure pas moins qu’à défaut d’avoir la vie dont on rêve, nous nous prenons à aimer la vie qu’on mène, à témoigner de la gratitude pour ce que nous avons, et qui nous donne de la joie, ou qui nous rendrait triste si nous ne l’avions plus. Et puis, dans le quotidien, on s’enthousiasme de la moindre étincelle d’amour ou d’extraordinaire. Voila la vie, telle la goutte d’eau qui trace son chemin en suivant le moindre effort grâce à la gravité, nous pouvons faire de même en suivant, jour après jour, l’amour et la joie.

lundi 6 septembre 2010

4 Mots express

« Goutte….charité…demeure….héritier »
Par Vivi:

Nous sommes les héritiers mis en demeure de goûter la vie et de la croquer car elle est courte et ne nous fait pas toujours la charité.

Haïkus sur le thème « Le coco a des yeux » par Vivi

Au ti punch d’chez nous

Le coco fait les yeux doux

Buvez un p’tit coup !



Les yeux du coco

Servent à écouler l’eau

Boisson kalolo !

Petit Haiku instantané par Bois de Jade

Goutte de vin qui perle

Trouvera un gosier

Papilles en émoi

mardi 31 août 2010

Crime à l'atelier

A l’atelier d’écriture,

Après une bonne biture,

On s’est tous séparés,

Il est vrai bien éméchés.

Et quel fut notre effroi,

Mardi matin, on resta coi,

Quand Samir nous appela

Tout secoué, en plein émoi.

Fabienne avait été retrouvée

Gisant à terre, poignardée,

Au théâtre de poche,

Juste sous le coche.

Depuis l’ambiance a changé.

Qui a pu commettre ce méfait ?

Pourquoi ? Quand ? Comment ?

Mais impossible cependant

De savoir quoi que ce soit

Et depuis le lundi soir, je reste chez moi !

mardi 24 août 2010

4 mots : certitude – coco – zeste – fougère

Toutes les certitudes,

Toutes les habitudes,

Qu’on apprend très tôt,

Stoïque sous le coco,

Ne sont qu’un zeste de néant,

Une fois adolescent.

Même si la fougère remplace le cocotier,

Même si le chêne remplace l’araucaria,

L’adulte choisit sa voie,

Mais garde ses racines.

samedi 14 août 2010

Trois en un par Vivi

« Donne…réflexion…faire ( fer)…palmier »

1 adjectif en « P », 2 verbes en « T », 3 noms en « S », 4 verbes en « G »

« La visite dura vingt minutes…à l’intérieur d’un couloir sombre. »



La visite dura vingt minutes, le temps nécessaire à la sage femme de garde de faire le point avec l’obstétricien sur la situation des accouchées du jour mais surtout celle de la jeune parturiente de la salle 1.

Cette dernière avait été hospitalisée tôt le matin pour accoucher post-terme de son premier enfant et 14H de travail engagé après, la situation en était au statu-quo !

Pourtant, dès le premier examen, la poche des eaux avait été percée et le Synthocinon branché pour gagner du temps sur l’apparition des contractions : un petit coup de pouce, le terme étant dépassé.

Tout se présentait bien. La patiente en était vraiment une : elle n’avait même pas gémit à son « water pocket piercing » et aux assauts du produit ! Elle s’en étonna d’ailleurs auprès de la future maman qui lui assura, se tordant de douleurs lors d’une attaque, que si elle avait su, elle se serait permise !

Les contractions faisaient leur effet et il était tems de la diriger vers la salle d’accouchement et de les aider, elle et son gros bidon, à grimper sur la fameuse table de la délivrance.

Une première péridurale (la gourmande en eût deux !) apporta une petite accalmie pendant le travail qui stagna très vite à quelques cm d’ouverture du col… et pour le reste de la journée !

Elle en avait vu des femmes accoucher et celle là ne la lui ferait pas, à quelques heures de partir en congés, de se faire bronzer sur les plages d’Agadir et de farnienter sous ses palmiers !

L’après-midi fût pire que le défilé du 14 Juillet : une vraie infanterie de nourrissons ! Normal pour un lendemain de pleine lune ! La prochaine fois, elle organiserait un peu mieux son départ en vacances !

De temps en temps, elle passait la tête derrière la porte de la salle1 pour jauger l’état de la jeune femme qui se lamentait un peu d’entendre toutes ses consœurs être délivrées avec une surprenante rapidité tandis qu’elle faisait le planton ! Encore une qui croyait qu’on accouchait comme une lettre à la poste ou comme dans les livres et qui demandait si c’était normal d’avoir mal sous péridurale !

Ce à quoi elle répondit, avec l’aplomb de ses années d’expérience et un peu excédée : « Mais ma petite Dame, l’anesthésie ne garantit rien ! Faut souffrir pour accoucher ! ». Fallait bien se tenir dans sa maternité…

Tout de même, la jeune femme, plutôt robuste, donnant à voir des signes de faiblesse justifiés en début de soirée et craignant pour la vie de son bébé, réclama enfin toute l’attention qui pouvait lui être due en pareille circonstance…

A la réflexion, elle fût femme sage car déjà un brancard l’emmenait d’urgence vers le bloc opératoire avec seul souvenir des bruits de portes et des secousses d’ascenseurs à l’intérieur d’un couloir sombre.

mardi 10 août 2010

PAPILLONS, Nouméa, juillet 2010, Par Fabienne FABRE

Il était une fois un papillon de nuit qui tomba amoureux d’un papillon de jour.

A l’heure où le soleil va se coucher et inonde la plaine d’une lumière rasante, à l’heure où ses derniers rayons saupoudrent d’or et de rubis les troncs torturés des niaoulis, à l’heure où le ciel devient rose et mauve et la montagne, au loin violette, un magnifique papillon bleu femelle vint se poser à côté d’un vilain papillon de nuit mâle qui venait tout juste de se réveiller.

Ce dernier crut qu’il rêvait encore tant ce papillon était splendide. Ses quatre ailes bleu électrique, moirées d’écailles vertes et frangées d’un noir profond ressemblaient à du velours. Son corps, ses pattes, fines et élégantes, ses longues antennes, tout était racé en elle. Mais ce qui marqua le plus le papillon de nuit fut son regard, plus bleu que le lagon et plus profond que la nuit, il n’en avait jamais vu de pareil auparavant. Il s’avança près d’elle et commença à lui parler. Il lui dit de ne pas s’effrayer de son aspect si différend du sien et lui raconta combien il était émerveillé de la voir si belle, combien ses couleurs éclatantes enchantaient son regard et combien son allure le ravissait. Le papillon de nuit était poète et savait parler merveilleusement bien, mais bien sûr, il n’en avait pas conscience. Il parla, parla si longtemps que la nuit était bien avancée quand il s’arrêta. La belle ne réagit pas. Et pour cause : elle dormait profondément !

Le papillon de nuit, un peu triste, s’envola, comme chaque soir pour aller vivre ses aventures nocturnes, en compagnie de ses congénères. Il les trouva vraiment miteux avec leurs ailes de poussière marron, leur corps lourd et leurs antennes courtes. Ce qu’il aimait plus que tout, c’était la lumière. Mais tout le monde lui répétait : « ne t’approche pas de la lumière, tu risquerais de te brûler les ailes ! ». Quelquefois, il s’en approchait le plus qu’il pouvait, jusqu’à sentir la chaleur, mais ce soir, il n’avait pas envie de mourir. Il voulait revoir ce si joli papillon bleu.

Comme un jour nouveau se levait, il vint se poser sur la même branche de niaouli d’où il était parti. Comme les premiers rayons du soleil commençaient à le caresser, le papillon bleu s’éveilla, tout étonnée et ravie de voir le papillon de nuit à nouveau à côté d’elle.
- « Veux tu être mon ami ? lui demanda-t-elle tout de go, le monde est magnifique, mais je n’ai personne avec qui le partager ».
Bien sûr, le papillon de nuit acquiesça. Il était très surpris car il pensait que quelqu’un d’aussi beau devait forcément avoir des tonnes d’amis, alors qu’elle était seule, tout comme lui.

Ils commencèrent à discuter, mais au bout d’un moment, le papillon de nuit, épuisé par sa nuit sans sommeil, mais ravi, s’endormit. La belle, quant à elle, avait les ailes qui la démangeaient et elle s’envola sur un rayon de soleil, au milieu d’une orgie de couleurs. Elle papillonna toute la journée, simplement heureuse.

Quand elle revint ce soir-là réveiller son ami, elle avait mille choses à lui raconter, mais saoûle de soleil et de fatigue, elle s’endormit au milieu d’une phrase. Le papillon de nuit regrettait que son monde ne soit qu’en demi-teintes, allant du blanc au noir. Alors, pour mieux l’appréhender, il développa son odorat pour raconter à sa belle sa vision olfactive d’un monde merveilleux, car, c’est bien connu, c’est au cœur de la nuit que les plantes et les fleurs exhalent leurs plus secrètes fragrances.

Et ainsi, de soirs en matins et de matins en soirs, ces deux papillons si dissemblables partagèrent leurs expériences pour une vision complète du monde. Il y avait bien longtemps que l’amour avait remplacé leur amitié du début. Pour pouvoir rester ensemble plus longtemps, ils se réveillaient plus tôt et s’endormaient plus tard, à la limite de leurs forces. Ils apprirent que leurs différences faisaient leur originalité. Ils apprirent aussi à ne pas juger mais à connaître et comprendre. Ils devinrent curieux de tout.

Mais la fin de la saison arrivait à grands pas et, avec elle, ils le savaient, la fin de leur courte mais riche vie.
Alors que les matins devenaient bien frais, Le papillon bleu pondit ses œufs, puis, épuisé, enroula ses longues antennes autour des antennes du papillon de nuit pour un sommeil éternel.
A la prochaine saison, naquirent les nouveaux papillons. Au moment où ils sortirent de leur chrysalide et déplièrent leurs ailes toutes froissées, la moitié d’entre eux étaient bleus et l’autre moitié marron. Chaque fois que vous verrez un beau papillon bleu de Nouvelle-Calédonie, regardez un peu autour : il y sûrement un papillon de nuit dans son ombre.

Les Soldes par Fab :))

Sandwich :Quand l’heure de la fermeture approche,...il était impossible de lui résister !


Quand l’heure de la fermeture approche, le dernier soir des soldes d’été, rue de l’Alma, toutes les femmes, fébriles, se ruent à travers les rayons pour bénéficier des bonnes affaires. Il n’y a vraiment que les soldes pour vous donner ce sentiment d ‘économiser en dépensant autant d’argent pour acheter des choses toutes aussi superflues qu’inutiles !

Mentalement, je fais l’inventaire de mes acquisitions durant cette journée épuisante mais ô combien excitante : un magnifique livre sur la plongée. C’est sûr, je ne plonge pas, mais les photos sous-marines sont superbes et il ne coûtait que 2.000 F, soit 70 % de remise ! à ne pas rater ! Ensuite, une belle chemise rose à carreaux verts, pour mon mari. Je ne sais pas s’il va aimer les couleurs, mais ce n’est pas grave, il pourra la mettre pour tondre le gazon. Elle est légère et toute en coton pour seulement 500 F ! J’ai également acheté trois paires de chaussures, les mêmes… pointure 32…pour ma fille… Elle chausse du 34, mais franchement, pour 700 F les trois paires, je ne pouvais pas faire autrement. Au pire, je les donnerai à ma petite voisine, si ma fille ne veut absolument pas faire pas d’effort.
Et puis, j’ai trouvé un sac à main d’un magnifique bleu électrique pour 3.000 F. Il ne me reste plus qu’à trouver une robe et des chaussures du même bleu… en solde, bien sûr, pour être d’une élégance suprême. Toutes mes copines vont m’envier, car évidemment, je leur dirai que ce sont des articles qui viennent de Paris, en direct, que j’ai eu à prix d’or. Elles vont être jalouses, tant mieux et vertes de rage que leur compagnon ne puisse leur offrir de si belles choses. Elles vont dire aussi que nous gagnons beaucoup d’argent. Il vaut mieux faire envie que pitié ! Et puis, à mon mari, je lui dirai que je n’ai dépensé que 5.000 F dans la journée, pour autant de choses, franchement, il ne pourra que me féliciter, même si j’en ai dépensé dix fois plus, il ne pourra pas vérifier !
Et puis j’ai craqué aussi pour un ensemble chemise-pantalon, pour mon petit dernier. Le problème, c’est qu’il y avait une mégère qui avait craqué tout autant que moi. Évidemment, la bataille a été rude, mais j’ai gagné… avec une jambe et une manche en moins. Ce n’est pas grave, j’en ferai un short et un gilet. Bon, vite, vite les dernières affaires sont les plus intéressantes car jusqu’à moins 80 %, mais bien sûr il ne reste plus beaucoup d’articles, de tailles ni de couleurs. Heureusement qu’aujourd’hui les magasins du centre ville restent ouverts jusqu’à 20 heures.
Comme par hasard, je me retrouve devant la vitrine d’un bijoutier. Les moins 75 % clignotent devant mes yeux comme autant de diamants. Je fais un petit tour, vite fait. Et soudain, je tombe en arrêt devant un incroyable solitaire, incroyablement seul dans son écrin. C’est bientôt mon anniversaire et mon chéri sera très content d’avoir économisé trois-quarts du prix de mon cadeau. Je fais un rapide calcul mental. J’arrive à avoir l’objet de toutes mes convoitises pour seulement 50.000 F ! Et vraiment, vraiment, il était impossible de lui résister !

La visite dura vingt minutes par Fab

Sandwich : La visite dura vingt minutes...à l’intérieur d’un corridor sombre.


La visite dura vingt minutes, pas une de plus. Puis, tous ces messieurs en costume et chapeau reprirent vite l’ascenseur qui montait vers le soleil.
Ils étaient venus pour les nouvelles lois qui, soi-disant, allaient protéger les enfants. Mais ils nous avaient à peine vus, ne nous avaient pas parlés. Alors, comment sauraient-ils ? Comment sauraient-ils le travail harassant, commencé à cinq heures, dans la nuit et le froid piquant du petit matin. Ces heures interminables à pousser les lourds chariots. Il fallait toujours faire très attention pour qu’ils ne nous roulent pas dessus. Et puis, les retours, à la nuit aussi, où nous marchions en file indienne, comme des morts-vivants, tant la fatigue nous tenait. Quelquefois, il nous était même impossible de nous laver ni de manger tant le sommeil s’abattait sur nous et nous prenait en un instant.

Alors, comment pourraient-ils savoir tout cela, ces messieurs, si propres, si bien habillés ? Et puis, ce n’était pas des lois dont nous avions besoin, c’était de la santé et de la chance : la santé pour travailler dans cet enfer et la chance pour ne pas y rester.

A l’école, j’avais appris à lire et à compter, le minimum. Comme mes parents étaient pauvres, j’avais été obligé de travailler. J’avais neuf ans et çà faisait déjà deux ans que je travaillais dans la mine. De douze à quatorze heures par jour, et faut pas croire qu’on avait un traitement de faveur. Au contraire, comme on était petit et mince, on pouvait se faufiler partout où les autres n’allaient pas, se glisser dans les galeries les plus étroites. Je crois que les seuls plus malheureux que nous étaient les chevaux : quand ils descendaient dans le puits, ils ne revoyaient plus la lumière du soleil, on ne les remontait que morts.

Eté comme hiver, il faisait une chaleur infernale dans les boyaux. Nous travaillions presque nus, le corps malingre ruisselant de coulées de charbon noirâtres, les yeux rougis, peu habitués à la lumière du jour. On ne savait pas de quoi on souffrait le plus, la faim ou la fatigue. Pour manger, nous n’avions que deux tartines de pain dur, recouvertes de saindoux, qu’on appelait le « briquet ». La peur, en revanche, était toujours là. Quelquefois, tapie au fond de nous comme une compagne : la peur constante de se blesser, de ne plus pouvoir donner le maigre mais indispensable salaire à la mère, d’être à jamais inutile. Quelquefois, la peur incontrôlable, comme un animal sauvage du coup de grisou.

Je savais ce que c’était, j’avais eu une alerte, l’année dernière. Je m’en étais sorti, mais mon compagnon, mon fidèle ami, le petit Marcel n’avait pas eu de chance. Il y était resté. Il venait d’avoir huit ans... Dès que j’avais vu la lumière des bougies qui vacillait, je m’étais jeté à corps perdu dans le premier passage que j’avais vu, à l’intérieur d’un corridor sombre.

L'heure de la fermerture par Diego

Quand l’heure de la fermeture approche, elle ôte ses chaussures et ses chaussettes. Elle ne garde que son jean, un “501” qui la moule malgré la raideur du tissu et, la main sur le zip, elle attend que s’ouvre la porte.
Il entre, toujours le même pas, le même sourire, la même façon désinvolte de refermer derrière lui, presque sans bruit. Alors, doucement, de sa main droite, elle descend lentement le curseur sur son mont de vénus qui tend la toile.
C’est d’un commun accord qu’ils ont appelé ce moment « l’heure de la fermeture », çà les a fait rire comme des fous, la première fois. Ils trouvaient çà un peu gamin. Puis, jour après jour, la pratique rituelle de ce moment d’émoi, précédant tous les autres, a pris un sérieux qui les a eux-mêmes surpris.
Et voilà, ils ne pouvaient plus s’en passer ; cet instant-là, il était impossible de lui résister.

Diego, août 2010.

lundi 26 juillet 2010

Tu connais le langage à nousautres? Par Vivi !

4 Mots: Grille….cochon….foie….salon

« L’ônculé ! Celui là, je lui ai grillé le poil ! », s’écria JR qui affûtait les crêtes autour de sa propriété, aux abords de la rivière de La Foa , du haut de son pick up benne double cabine, dernier cri au salon du 4X4 de Nouméa.

« Balaye un coup les brousses, derrière les niaoulis! » somma-t-il à son fils Kévin, un projo à la main, qui le secondait depuis son plus jeune âge lors des coups de chasse de nuit. Sa vieille avait donné ce prénom à leur unique garçon parce qu’elle était fin chiée après Kévin Costner, un acteur ricain : l’ôngin tu connais, les goûts et les couleurs …

« C’est un gros mâle …les yeux sont rouges. », hurla-t-il en parlant du cerf qu’il venait de rater avec son fusil à lunettes. « Mais où tu vas Mon Con ? » cria-t-il soudain à Odon, son broussard d’ami, qui conduisait le véhicule. Toute une jeunesse passée à chasser dans les brousses et à pêcher dans la rivière le liait éternellement à Odon. Ils se connaissaient par coeur et se parlaient sans détour. « Tu barres dans la mauvaise direction : on va prendre une douille !».

JR craignait (lire Creugnet) en effet qu’ils soient pris pour des viandards par le vieux Caryl , le voisin, qui malgré sa caisse à ignames imbibée de J B ... Black label, visait toujours juste et pouvait bombarder leurs calots ! Emboucané par le légendaire breuvage local, le pauvre homme était incapable de faire la différence entre un voisin et un braconnier ! Awa, il était fin colère mais surtout fin pété depuis le temps où son bétail avait été la proie de vandales en quête de prises faciles et nombreuses sur sa station, ce qui avait réduit inéluctablement son cheptel, sa provision de douilles et son foie!

« Barre un coup à droite, vers la chaîne !...mais il est où l’empété ? » s’énerva JR jusqu’à … « Le woilà, lui ! Je vais lui damer la gueule ! ». PAN ! Le coup partit, traversa la nuit calédonienne puis la bête. Fin fier, JR s’exclama : « J’ai pété une balle en plein dans la barre du cou à lui ! Véridique ! »… « Tu connais, il doit pas être loin. Fouille la brousse à bloc avec le projo !…Par là ! Non, là envoye ! », s’affairait - il verbalement. Malgré la lueur de la pleine lune, la nuit avait définitivement enveloppé de son étreinte leur trophée (« L’ônculé, comment tu parles bien Zoreille toi ! » s’exclama JR, en s’adressant à l’auteur du texte) et ils trouvèrent peau de balle. « Babylone ! Il est barré le mec !...Casse pas la tête, laissetaleur avec le chien, on retrouvera sa carcasse dans les cassis! » Ils décidèrent de rentrer.

« Ahou ! J’ai trop les côtes en long ! Je claquerai bien une topette ! Allez, on barre…et si tu wois un cochon, mouille le, Mon Con ! ».

lundi 19 juillet 2010

Florilège d'exercices par Vivi!!

Sandwich : La première vague... je refermais les yeux !
+ 4 Mots: parterre, tribu, calvitie,spectacle
+ mot extraordinaire : trichotillomane

Le tout en un !

Merci de juger humble tribu à cette histoire tirée par les cheveux !

La première vague de chaleurs correspondait à la première vague de départ en vacances qui était classée rouge et orange par Bison Futé, annonçait-on à la radio.

Je pensais à tous ces gens qui se pressaient tous en même temps aux portes de l’oisiveté et qui allaient connaître bien des tribulations auxquelles je ne prendrais pas part encore une fois ; j’en avais suffisamment avec les miennes…de tribulations !

Et pour cause : je suis un trichotillomane chronique et incurable alors les vacances, moi, je ne connais pas !

Même si je n’ai pas comme les filles, de problème de maillot, vous me voyez sur la plage avec ma petite serviette, une calvitie partielle au crâne, faire bronzer mon corps presque imberbe, en attente de la repousse d’une toison? Mes perruques ne sont pas waterproof et craignent les grains de sable…et dans ma vie, Dieu seul sait qu’un seul petit grain de sable peut me perturber!

Vous m’imaginez en train d’arracher un à un mes cheveux et ne pas pouvoir en juger la quantité une fois par terre ? Eh oui, j’aime me les arracher mais je n’aime pas les perdre ! Je les ramasse soigneusement et les range à côté les uns des autres puis j’en fais des petits rajouts pour regarnir mon crâne à l’occasion… quand je veux draguer une fille. C’est déjà pas facile avec toutes les grimaces à mon actif : un vrai intermittent du spectacle, comme dit ma famille! Ma famille, je ne vis plus avec : elle ne supportait plus que je vérifie plusieurs fois par jour et par nuit la fermeture de toutes les portes de la maison. Imaginez en camping sous la tente !

De plus, j’aime trop me glisser dans des draps sans mise en plis alors dans un duvet….et faire sonner mon réveil à 6H -ça me rassure- même si je ne travaille pas et ce n’est pas parce que j’ai un poil dans la main !

Alors, c’est décidé depuis peu, je passe toutes mes vacances confortablement chez moi, un deux pièces dans la Chevreuse, dans mon petit village de Monpoil où il n’y a pas d’embouteillages!

Je me réveille tous les matins à 6H, me fais livrer mes courses à domicile pour ne pas avoir à sortir, comme ça j’ai moins de fermetures à vérifier et je peux me reposer un peu- c’est la moindre des choses en vacances- et passe presque tout le reste de mon temps sur mon ordinateur à faire des rencontres sur « Mestics ». Bon, c’est vrai j’ai un peu triché avec ma photo mais comme ça, j’ai plus d’implants ! Grâce à mon pseudo « Haircul », j’ai trouvé une copine : elle s’appelle Pécie alors je l’appelle souvent : « Allo …Pécie ? » Si elle ne répond pas, ça me met de mauvais poil et ce dernier, hérissé, je me venge sur ma pilosité mais avec cette chaleur, mes poils glissent sous mes doigts …ça craint. Alors tributaire d’une pince à épiler, ma patience et ma ténacité triomphent. Je me retrouve plus vite à poil car avant, c’était fastidieux ,je refermais les yeux !

dimanche 18 juillet 2010

Demandez le programme.......

Du XIIème Salon International du Livre Insulaire !



Cette année les Iles Bretonnes sont à l'honneur.

Charité bien ordonnée... pense à ses voisines en douzième édition :))

J'encourage tous cuex qui seront dans les parages à y faire un saut !

lundi 12 juillet 2010

C'est un peu comme cela le Bois de Jade ... Par Vivi

Sandwich « A chaque réunion du grand conseil…à un point particulier du paysage »



A chaque réunion du grand conseil à Fort Poche, notre chef, Plume Dressée , le regard fier et l’allure éloquente d’un orateur, avait pour habitude de s’entourer de son clan plumitif, tous les soirs du jour de la lune, dès la tombée de la nuit.

Souvent, Squaw à prendre et à lécher, sœur d’écriture, arrivait la première et tirait déjà … sur le petit calumet avec Plume Dressée, prête à dégainer pour mettre en mots tous les petits nuages qui sortaient de sa bouche.

Ours bienveillant, fidèle à ses frères et sœurs du clan, aimait envoyer des signaux de fumée assez lestes toute la semaine avant de les retrouver toujours dans la bonne humeur.

Corde à son arc, avec son air carquois lançait ses flèches (elle était du signe du sagittaire) vers Cheval fougueux qui hennissoit qui mâle y pense ! Lui, la virgule était son dada.

Arrivait en dernier « Bison à poil ras », toujours en retard, n’ayant pas fait ses devoirs, avec son air décombisné, comme son style et ses formules qui laissaient deviner un intérêt très particulier pour la chasse de troupeaux de gibier à poils !

Chouette Tata était partie avec le grand oiseau de fer blanc vers les grandes plaines de l’Ouest ; son sens du verbe et sa bonne cuisine manquaient.

Aussi sa nièce, Nuage changeant nous donnait de ses nouvelles et nous gâtait avec sa délicieuse roussette locale : le poisson en rillettes.

Plume Dressée se réjouissait du fait que notre clan ne connaisse pas la famine ni la misère car il aimait beaucoup la bonne chair. Son nez trahissait un flair sans reproche et son ventre une réserve de bonnes choses. Certains de nos congénères, parfois le visage pâle, pouvaient souffrir des effets des potions magiques qui servaient à invoquer les Dieux de l’écriture, surtout les plus faibles attrapeurs d’idées du groupe qui n’hésitaient pas à en prendre double ration pour trouver l’inspiration et pouvoir laisser des traces.

Car Plume Dressée était un peu chaman. En effet, il demandait à chacun de plus en plus de sacrifices et s’amusait à rendre la tâche parfois difficile en inventant des nouveaux codes. Ses hallucinations transportaient nos esprits au-dessus des montagnes et des plaines avant de se fixer à un point particulier du paysage.

Chemin….envie….tonneau….lapon Par Vivi :))

Chemin faisant, mon envie croissait et il devenait difficile de me retenir …

Toute la soirée, j’avais chopé… blonde sur blonde mais je restais pourtant toujours sur ma soif. La fête de la Bière battait son plein et tous les tonneaux étaient en passe d’être liquidés. Les pintes de boissons jaunes pétillantes, riches en mousse avaient valsé autour de moi à en donner le tournis à mon esprit. Voilà t-y pas que cette tisane de houblon avait maintenant raison de ma vessie !

N’en pouvant plus, je me dirigeais je ne sais où, et réussis tout de même l’exploit de dégrafer ma braguette là, pompette, alcoolisé, pour me soulager !

dimanche 4 juillet 2010

Baby-foot - Chronique d'un village par Fab

Baby-foot – bluejeans – bypass – week-end


On s’était donné rendez-vous au « Café des Amis » pour une partie de baby-foot . C’est vrai qu’il n’y avait pas grand chose à faire dans ce village isolé. Pas de ciné, encore moins de théâtre ni de terrain de sports, même pas une maison de quartier pour nous occuper, nous les jeunes, et pas de boulot non plus, bien sûr. Alors, à part le baby de Louis La Malle, le propriétaire du café, il ne nous restait que des conneries à faire, souvent sans conséquence, juste histoire de nous marrer un peu... Évidemment, avec l’émulation et notre orgueil de jeunes coqs, les petites bêtises devenaient de plus en plus grosses. Nous étions une bande de six potes, vêtus de bluejeans et de blousons noirs, qui semaient la crainte et le trouble dans ce village bien trop calme à notre goût. On faisait le désespoir de nos parents et les autres habitants nos regardaient d’un air méfiant dès qu’on se pointait.

Moi, je m’appelle Ange, mais je n’en ai que le nom. Sûr que ma mère ne m’aurait pas appelé comme çà si elle avait su tout le souci que je lui donnerai. Les autres me considérait comme leur chef parce que c’était toujours moi qui avais les idées. Je n’aurais pas tourné comme çà si j’avais pu faire ce que je voulais.
Depuis tout petit, moi, je rêvais d’être pilote. Je travaillais dur à l’école pour y arriver. Des avions, j’en avais partout dans ma chambre. Enfin, avant, parce qu’après le bac, quand j’ai su que mes parents ne pourraient pas me payer les études en conséquence, je les ai tous jetés, de rage. A partir de ce moment-là, j’ai arrêté l’école et je me suis mis à faire n’importe quoi parce que plus rien ne m’intéressait. Mais bon, n’en parlons plus, c’est de l’histoire ancienne.

Il y avait peu de monde dans le bistrot : quatre ancêtres, bérets vissés sur la tête, veste de velours côtelés et vieux mégot éteint au coin des lèvres qui tapaient le carton pour une sempiternelle partie de belote. Les mêmes d’ailleurs qui, l’été venu joueraient à la pétanque à l’ombre des grands platanes de la place. Il y avait aussi « Poisson Bouilli », l’ancien croque-mort, qu’on appelait comme çà à cause de ses gros yeux globuleux qui étaient tous rouges parce qu’il buvait beaucoup de vin de la même couleur depuis que sa femme était partie avec le receveur des postes et qu’il n’avait plus goût à rien. Des fois, il était vraiment pénible et invectivait le monde entier avec de grands moulinets des bras. D’autres jours, comme aujourd’hui, il était complètement apathique. Les vieux ne voulaient pas de lui parce qu’ils étaient d’un tempérament plutôt calme et çà les perturbait. Mais lui, çà ne l’empêchait pas de venir tous les jours les regarder jouer. S’il voulait une place, il devrait attendre que l’un d’entre eux meurent...

Louis La Malle essuyait des verres derrière son comptoir. Il n’était pas mécontent qu’on vienne. Sûr qu’on allait mettre un peu d’ambiance dans son troquet !!! Mais il nous avait prévenus : de l’ambiance, d’accord, mais pas de bagarre comme la dernière fois, sinon, même le regarder en photo, le café, on pourrait plus.
Faut dire, on avait fait fort, le mois dernier. On avait donné rancard aux jeunes du village voisin pour leur mettre la pâtée au baby.
On ne les aimait pas les jeunes d’à côté, enfin, les gars, parce que les filles elles, elles étaient super sympas avec nous ; elles disaient que ces gars étaient des DMM (comprenez des débiles mentaux moches). C’est sûr que c’était pas des lumières ni des prix de beauté. Les filles non plus d’ailleurs, et si on sortait avec, c’était plus pour faire enrager les gars d’en face que par véritable envie. Remarquez, ils faisaient la même chose avec nos filles. Parce que les belles et les intelligentes, elles partaient toutes tenter leur chance à la ville. Quelquefois, l’une d’entre elles revenait au bout de quelques années, seule, ou avec un enfant... comme quoi, elles n’étaient pas si intelligentes que çà...

On s’était donc retrouvé une vingtaine dans le café : six de notre bande, six de la bande adverse et quelques admiratrices des deux camps. Il y avait presque une demi-heure que nous avions commencé à jouer. On était à égalité 1 à 1, et, à part quelques petites injures, l’ambiance était plutôt bonne, quoiqu’un peu électrique. On sentait qu’une étincelle aurait suffit. Je pense que c’est à cause du grand Mamade que tout a commencé. On l’avait surnommé comme çà depuis qu’il était tout môme et qu’il parlait pas bien, il disait, je suis « mamade » au lieu de malade, et çà lui était resté. Il a marmonné quelque chose à Hamed, on n’a pas trop compris quoi, seulement que çà avait rapport avec sa sœur. Hamed, il a vu rouge subitement et a foutu un coup de boule sur le nez à Mamade qui s’est tout de suite mis à pisser le sang. S’en est suivi une bagarre générale . Même les filles se sont mises à se crêper le chignon. Les vieux, dans leur coin, continuaient à jouer aux cartes. Ils étaient un peu durs de la feuille. C’est quand les chaises se sont mises à voler qu’ils ont décidé, à contrecœur, d’un repli stratégique.

C’est aussi quand çà commençait à chauffer vraiment que Louis La Malle s’est mis à hurler un « assez » d’un voix de stentor, tout de suite suivi d’un silence ponctué du gémissement des blessés. Tout le monde s’est arrêté de se battre illico. Il nous a mis à la porte à coups de pieds où vous pensez. On est tous repartis, penauds, panser nos blessures. Le Père Louis était sévère, mais on savait qu’il ne dirait rien à nos parents. C’est aussi pour çà qu’on le respectait. Mais c’est surtout parce que c’était un dur, un vrai, pas une balance. Il était né au village et y avait passé toute sa jeunesse. Et lui, des conneries, il en avait fait. Et pas des petites. Devenu adulte, il partait souvent, on ne savait trop où. Il restait de grandes périodes absent, puis, il revenait, comme si de rien n’était. C’est de là que lui était venu son surnom. Évidemment, La Malle, c’est pas son vrai nom. Et d’ailleurs je me demande si quelqu’un s’en souvient de son vrai blase. Et puis, sur le tard, après une absence particulièrement longue, il est revenu définitivement au village. Il a racheté ce vieux bistrot qu’il a retapé.

Les gens disaient qu’il avait fait de la prison pour un mauvais coup qu’aurait mal tourné, et qu’il avait acheté le café avec l’argent du casse. Ils disaient aussi qu’il avait eu une fiancée quand il était jeune et qu’au bout d’un moment, elle n’était plus venue le voir au parloir parce qu’elle était partie avec son meilleur ami à lui. Le même qui l’avait lourdé aux flics. Tout çà, c’était que des rumeurs mais ya pas de fumée sans feu, comme on dit et puis, çà expliquait un peu son caractère renfermé, voire asocial et l’aura dont il bénéficiait auprès des jeunes. Le seul qui arrivait à quelque chose avec nous, qui savait nous parler et nous motiver.

Louis ne nous jugeait jamais. Il comprenait. Il donnait quelques conseils, mais ce qu’on préférait par-dessus tout, c’est quand il nous parlait de sa jeunesse. Ah ! sûr qu’il aurait pu en faire un bestseller de sa vie, le Louis, s’il avait su arranger les phrases. De quoi prendre une honnête retraite. Mais c’était pas son truc à lui, de se mettre en avant. Et ses histoires, il nous les distillait au compte-gouttes, comme une récompense, si on se tenait bien. Alors, on faisait des efforts... Et puis, si on avait un problème, un souci, ou même une joie à partager, c’était lui qu’on allait voir. Depuis toujours, il m’aimait beaucoup, un peu comme un fils. Je parlais plus avec lui qu’avec mes parents. Eux, à part me crier dessus, ils ne savaient pas trop communiquer.

Quand j’ai commencé à jouer au baby ce soir-là, c’était sans conviction. Au bout d’un moment, Mamade m’a remplacé. Tout d’un coup, j’ai été submergé d’un immense dégoût. Dégoût pour ce trou, sans avenir ni espoir, pour mes parents qui étaient devenus des étrangers, pour mes copains, si nuls, et puis dégoût pour cette vie longue et inutile que je voyais s’étirer devant moi. Alors, j’ai eu pitié de moi, du pauvre enfant perdu que j’étais. Les larmes m’en sont montées aux yeux.

Louis a vu que je n’allais pas bien. Il s’est approché de moi. Mais je n’avais pas envie de parler ou alors j’avais peur d’éclater en sanglots, moi, le petit dur... Alors, j’ai fait un vague geste de la main pour dire au revoir.
- « Bye, passe me voir ce week-end », m’a dit Louis au passage.
J’ai hoché la tête en guise d’acquiescement puis je suis parti.

Je suis sûr que Louis m’a dit çà juste parce qu’il a vu que j’étais mal. Je suis rentré direct. Même ma mère en est restée comme deux ronds de flan que je rentre aussi tôt.

J’ai pas dormi de la nuit. Et puis au matin, un autre jour arrivait. Il faisait beau, le soleil faisait danser des poussières d’or à travers les persiennes. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas levé aussi tôt. J’ai ouvert les volets et j’ai vu toute la beauté de la vie : les gouttes de rosée qui scintillaient, les oiseaux qui chantaient, les feuilles qui bruissaient au vent léger... Et là, l’espoir est revenu. Sûr que je m’en sortirai. Je ne sais pas quand ni comment mais je ne resterai pas dans ce trou !

lundi 28 juin 2010

Quatre mots

  1. « Abrégez ! » avait-il crié, vindicatif. Voilà qu’il fallait tout à coup que je me censure. Que je ne célèbre plus ma logorrhée, que je la circonscrive à son plus simple énoncé. « Brève, concise, laconique, éthérée, sans artifice ! » répétait-il. En somme, il me demandait de lacérer mon écriture, de l’écarteler du dedans, de l’amputer de l’adverbe, de la rogner du complément, de la désincarner de son objet. Tout ça, rien que ça, et pourquoi ? Pour qu’elle soit lue ! J’étais sidéré.

  2. Babyboot, c’est avec ce sobriquet ridicule que tout le monde appelait ce garçon attachant. Il jouait sans cesse, toute la journée, avec les petits bonhommes de plomb articulés. Au bout des barres qu’il tirait et repoussait avec véhémence, s’alignait l’équipe parfaite et babyfoot donnait à ces répliques rouges ou bleues l’adresse des Dieux, la magnificence des grands, des vrais, ceux dont il rêvait d’être. On apercevait son jeu, son adresse lorsque pris dans l’action, il frottait nerveusement les cuisses de son bluejean pour éponger la sueur maligne qui faisait glisser la poignée de ses mains. Ses mains si adroites alors qu’il aurait voulu jouer du pied, crocheter, dribler, jongler et marquer des buts, de véritables buts, pas des points marqués avec une balle en liège dans une cage de fer. Mais Babyfoot n’a jamais pu fouler les stades, handicapé depuis ce dramatique week-end de septembre où il perdit l’usage de sa jambe droite. Sanglant accident de la route où malgré l’intervention rapide des secours et la pause d’un by-pass pour irriguer son corps, son rêve d’enfant s’envola à jamais pour se réincarner en miniature.

  3. Osso-buco ou niocnam. Pedro hésitait devant la carte de ce restaurant particulier, si particulier qu’il avait comme spécialité de proposer justement TOUTES les spécialités de TOUS les pays du monde. Grill du torero ou paella Sévillane. Etonné par la formule – comment pouvait-on savoir cuisiner et proposer autant de plats différents - il avait invité Nina à découvrir l’établissement. Tous deux attablés dans une salle vide, l’épais menu sur les jambes, ils restaient absents et dubitatifs. Rouleaux de printemps dans son nénuphar ou bouillabaisse à la Provençale. Cuisses de grenouilles persillées ou encornets farcis à l’Armoricaine. Il était impossible de consulter tous les mets proposés, de se faire une idée, une envie, trop de recettes différentes, d’accompagnement divers, de plats inconnus pour décider d’une commande pertinente. Le couple ahuri se regardait bouches excitées entre deux choix impossibles, puis ils tournaient de nouveau les pages de ce qui ressemblait plus à un dictionnaire culinaire qu’à une carte de restaurant.
    Soudain, Pedro sentit une odeur de poisson frais lui parvenir dans les narines, une moiteur incommodante sur le cou, les joues puis sur tout le visage. Il ouvrit un œil, puis l’autre. Il était cinq heures de l’après midi, un samedi d’été sur son transat, Pedro, cent-dix kilos à la dernière pesée, s’était endormi. « Chéri, je sors ! Je vais acheter des yaourts allégés pour ton régime. » lui lança Nina depuis la cuisine.

mardi 15 juin 2010

Les mots incrustés peuvent faire leur effet.

Par exemple cette semaine exercice des 4 mots au choix:

1/ - abréger, célébrer, sidérer, lacérer (la serrer ?)
2/ babyfoot, bypass, bluejean, week-end
3/ osso bucco, niocmam, torero, nénuphar

le 1) Peut donner:

Palabre hégémonique, Enlacés les braies au sol, Acide et réactionnaire, Lacet rébarbatif.....

C'est bon aussi comme cela....

lundi 7 juin 2010

'Vacances Marmandaises' Passage retiré du Bal des Innocents à paraitre

Ce texte faisait partie de mon prochain roman à paraître mais passe à la trappe.

Je le partage avec vous comme un quasi vase communiquant avec l'ami ARF


Le temps d’un battement de cil, il se plongea dans un passé chéri, en vacances chez Mamina.

Ces vacances merveilleuses qu’il passait à aller se crotter dans les rivières du coin avec ses cousins et cousines et les pires garnements du village. Les locaux lui apprenaient chaque année de nouvelles techniques pour construire de plus belles cabanes et comment améliorer leurs lance-pierres. En échange, Serge apportait quelque revue coquine, que le citadin ne manquait jamais de piquer en douce à son père. Ces lectures faisaient beaucoup rire les petits gredins réunis, on y voyait des poils et les plus avancés dans la théorie de l’Amour faisaient de grands discours, torse bombé, à propos de leurs premières expériences et les sujets saisissants des Newlook et Playboy cultivaient leur imagination au-delà des frontières de leur monde. Ils se racontaient, à tour de rôle, quels avaient été les dangers bravés pour attraper la curieuse bête qui faisait un boucan monstre dans la boite à chaussures que l’espiègle explorateur portait mystérieusement sous le bras. Il n’était pas rare qu’une pauvre grenouille passe ainsi une journée entière à croasser avant que les garnements n’osent ouvrir le couvercle de la boite de Pandore. Dans ces grandes assemblées, les petits filous jouaient de mille ruses pour réaliser des exploits personnels et les expéditions, qu’elles furent de jour ou de nuit, prenaient toujours un parfum secret qui avait certainement aiguisé le flair et l’envie du jeune Serge à entrer dans la police. Ces instants magiques, loin de la capitale et de son goudron, où ils avaient le droit de sortir le soir pour aller, officiellement, observer les étoiles. Etoiles que Serge avait surtout vu briller dans les yeux d’Estelle, la petite voisine de Mamina avec laquelle il avait grandi un peu chaque été. Sur la route, dès que la voiture passait Bordeaux, il trépignait d’impatience. Il ne tenait plus en place à l’idée de revoir sa petite copine des champs.

L’année de ses quatorze ans avait marqué le tournant de sa jeunesse. Ni son père ni sa mère n’avaient pas pu prendre leurs vacances à la mi-juillet comme ils le faisaient d’habitude. Il partit donc tout seul par le train jusqu’à la gare de Marmande, comme un grand, ils le rejoindraient deux semaines plus tard. Mamina s’était habillée avec son plus beau chapeau et sa belle robe d’été qu’elle ne portait d’ordinaire que les jours de fête. L’arrivée de son petit-fils chéri valait tous les dimanches du monde. Serge avait beaucoup changé, du petit garçon malicieux et malingre, il ne restait que le regard. En effet, à la croissance tardive, le jeune Serge avait pris quinze centimètres en un an et sa Mamina dû enlever son beau chapeau de paille orné de fruits pour lui faire la bise alors que, l’année précédente, elle devait encore se baisser. Les retrouvailles avaient été chaleureuses, mais Serge conservait encore un peu de son émotion qu’il réservait à Estelle. Il l’aimait tendrement d’un amour naïf sans arrières pensées. Il ne lui pas avait envoyé de photo dans leur correspondance intime pour conserver la surprise de son nouveau physique d’homme. De sa voix rayée, il s’était entraîné à tirer un filet rauque qui faisait résonner sa cage thoracique en pleine croissance. Il voulait lui lire un petit poème de sa création qu’il avait en fait plagié d’un recueil d’Apollinaire, mais peu lui importait pourvu que les émotions fussent siennes. Dans la voiture de sa grand-mère, il ne contenait plus son excitation et il ne tenait plus en place. Mamina, qui connaissait bien son petit Serge, lui adressa des regards pleins d’amour. Voir ainsi son petit-fils prendre de l’âge ne la rajeunissait pas, mais elle était tellement fière de celui qui lui était toujours, été après été, resté fidèle. Elle le prenait tous les soirs dans ses bras après qu’ils aient bu leur camomille. Lorsqu’il était plus jeune, il s’endormait ainsi sur la poitrine généreuse de sa Mamie et s’éveillait doucement pour lui glisser des Mamina d’amour alors qu’elle le montait dans sa chambre, blottit dans ses bras.


« Je suis très contente que tu te sois enfin décidé à grandir » lui avait-elle dit durant ce trajet qui était gravé dans sa mémoire. Il s’était contenté de sourire gentiment. Elle avait enchaîné par un doux :
« Je ne suis plus assez forte maintenant pour te porter dans ta chambre ! Et il avait répondu de sa voix cassée :
- Un jour Mamina, c’est moi qui te portera jusqu’à la tienne ! »

Sa Mamie, attendrie par le petit homme, lui passa la main dans ses fins cheveux d’enfant, les yeux pleins de larmes d’amour. Ils arrivèrent après une vingtaine de minutes, qui parurent deux siècles à Serge, à la maison de Mamina. Une inconnue les attendait assise sur le banc à côté de la porte encadrée de glycines. Serge se demanda qui était cette voisine aux cheveux de feu qu’il n’avait jamais vu auparavant. Lorsqu’il descendit de la voiture, la jeune femme se leva mais resta interdite. Elle observa longuement cet inconnu comme si elle essayait de découvrir son identité. Serge interrogea du regard sa Mamina et n’eut pour réponse qu’un sourire maternel complice. Il regarda de nouveau plus attentivement la jeune femme et finit par reconnaître ces petites pommettes constellées de tâches de rousseur.

« Estelle ? !
- Serge ? ! »
Les enfants coururent l’un vers l’autre, mais au lieu de se jeter mutuellement à leur cou, comme ils le faisaient chaque année, ils s’immobilisèrent à un mètre du contact. Curieux, chacun scruta l’autre, à l’affut des changements qui s’étaient opérés en eux. Après cet arrêt sur image, ils s’embrassèrent timidement d’abord puis soudain explosivement ce qui fit monter le rouge aux joues de Mamina qui se rappelait l’époque heureuse où son Alfred lui cueillait des brassées de fleurs sauvages. Estelle, elle aussi, avait pris en taille de manière impressionnante. Serge s’aperçut de suite du changement car, avant, lorsqu’ils s’étreignaient, leurs corps s’emboitaient littéralement l’un dans l’autre alors que maintenant un espace s’était glissé au niveau de leurs ventres. Il en comprit la raison en sentant les deux formidables protubérances souples et chaudes qui sortaient du corps de la jeune fille. L’année précédente il l’avait quitté avec ses drôles de petits pics pointus qui faisaient très mal à Estelle lorsqu’il les touchait. Les petites pointes dures avaient laissé place à deux belles pommes gracieuses et douces. Estelle aussi trouvait que son Serge avait réellement changé. Il avait une drôle de voix, un peu rayée mais dont le ton aigre n'était pas tout à fait pour lui déplaire et ses petites mains douces étaient devenus de larges palmes. Elle en était heureuse, car à l’idée de l’arrivée de Serge, elle était venue annoncer au petit garçon qu’elle était maintenant trop grande pour continuer à passer ses journées dans la boue et à hanter leur cabane miteuse. Ses pensées s’envolèrent à la vue du jeune homme et, après cette courte hésitation, ils élaborèrent leurs plans ensemble comme les années précédentes.

Après s’être longtemps cherchés à travers la campagne, ils en revinrent à leur cabane à laquelle ils firent subir le même genre de changements que la nature leur avait imposé. La pauvre cabane champêtre faite de planches de palettes pris des allures de petit intérieur coquet, ils amenèrent : un vieux matelas rempaillé de frais qui couvrit les planches disjointes, une table de chevet bancale qui traînait dans la grange de Mamina et assez de bougies pour éclairer leur repère. Ils passèrent ainsi leurs après midi et leurs soirées reclus dans cet univers de grands qu’ils s’étaient installés. Souvent, Estelle leur préparait des pique-niques qu’ils mangeaient avidement en se dévorant des yeux. Ils firent l’inventaire mutuel de toutes les choses qui avaient changé en eux et chaque recoin de leur corps furent explorés pour tenter d’en comprendre les nouvelles fonctions. La petite toison duveteuse d’Estelle attirait particulièrement le garçon. Car, lorsqu’il demandait à sa copine, ce qu’elle ressentait lorsqu’il s’aventurait à la caresser dans cette zone, elle répondait qu’elle ne savait pas, mais qu’il pouvait continuer car c’était très agréable. Après plus d’espièglerie, il en vint à explorer toute la zone et y découvrit un endroit encore plus étrange et sensible juste en dessous. Il apprit à accorder ses mouvements avec ceux de sa partenaire qui se cambrait et se pâmait de plaisir lorsqu’il le décidait. Mais cet étrange manège provoquait chez lui aussi une étrange alchimie. Serge sentait lui-même comme des caresses qui semblaient entrer dans son corps par son ventre, qui pour l’occasion, se gonflait et devenait beaucoup plus sensible. A son tour, Estelle explorait le corps de son partenaire et comprit très vite où le solliciter pour faire monter leur plaisir. Tétons, ventres, aisselles, et sexes respectifs ne semblaient plus avoir de secrets pour eux. Ils passaient ainsi leur après-midi à se titiller, se mordiller, puis ils s’allongeaient et contemplaient les nuages ou les étoiles suivant l’heure de leurs ébats. Ils trouvaient tous deux ces petits jeux futiles, mais ne parvenaient pas à s’en passer. L’attraction était magnétique et une simple pause au bord d’une rivière devenait alors l’occasion idéale pour tester l’influence de l’eau sur leurs ébats. Toutes les circonstances étaient bonnes à mettre au banc d’essai de leurs nouvelles inventions.

Ce fut la mère d’Estelle qui interféra dans la fréquence de leurs rencontres. Loin d’être stupide, elle sentait que sa fille commençait l’apprentissage de ce qu’elle aurait tout le temps de découvrir beaucoup plus tard. Estelle se trouva alors chargée de toutes sortes de missions, plus débiles les unes que les autres. Les corvées l’éloignaient toujours pour la journée. Elle devait aller chercher les œufs non plus chez Marie, leur voisine, mais à quatre kilomètres de chez eux car sa mère, qui mangeait les œufs de Marie depuis toujours, trouvaient qu’ils étaient tout d’un coup devenus fades et farineux. Elle dut nettoyer la grange quatre fois de fond en comble, si bien qu’à la fin on aurait pu manger par terre. Géraldine, c’était son nom, perdait complètement la boule, elle oubliait toujours des courses au marché ce qui forçait sa fille à aller les compléter, elle râlait tout le temps et était toujours après sa fille, pourtant chérie et choyée jusque là. Estelle ne comprenait pas ce brusque changement chez sa mère qui l’avait toujours laissée gambader à sa guise avec son amoureux. Serge lui avait répondu que les femmes devenaient incompréhensibles arrivées à un certain âge. Du moins, c’est ce que lui avait dit son père quant aux réactions parfois étranges que sa mère avait, sans qu’aucun signe précurseur ne les annonce. Dans un vieux Marie-Claire qu’elle avait trouvé dans la salle d’attente du médecin, Estelle avait lu un article disant que les mères avaient du mal à assumer le passage de leur bébé à l’âge de femme. Elles pouvaient même devenir jalouses de leurs filles quand celles-ci devenaient plus attirantes qu’elles. Une réaction dramatique qu’elle avait du mal à imaginer venant de celle qui l’avait porté aux nues depuis qu’elle était venue au monde. Leur complicité était inimitable et il était impossible que leur relation si passionnelle ne laisse place à un sentiment aussi laid que la jalousie juste parce que ses seins étaient devenus plus gros que ceux de sa mère. Estelle en vint à cette constatation alors qu’elle se passait à la loupe face à son grand miroir et essayait les soutient-gorges de sa mère. Si c’était cela grandir, elle préférait se couper les nichons et rester une petite fille. Mais la chimie qui bouillait en elle l’emmenait déjà vers d’autres horizons. A peine eut-elle fini sa mini-crise intérieure quant à ses seins, qu’elle fut attirée par le reflet de ses lèvres dans le miroir. Elles lui parurent soudain plus charnues, plus fermes plus douces aussi. Estelle passait ses cheveux puis ses doigts à leur commissure fragile et érotique. Les images l’entrainaient déjà dans les pages des magazines du docteur où les femmes portaient de magnifiques bijoux et des drapés de soie. Fini les jeans pourris et les baskets trouées, maintenant elle s’habillerait en fonction de ses goûts et de ses convictions. La gamine attardée et un peu ahurie allait enfin laisser la femme qui vibrait en elle s’exprimer avec tous les langages à sa portée. A bas le mutisme corporel, l’heure de l’expression tous azimuts avait sonné.

Ce fut l’été doré des serments d’amours éternels qui ne devaient pas même tenir jusqu’à l’automne, l’été des champs de maïs et des parties de cache-cache géantes, l’été des couchers de soleil contemplés côte à côte et celui des baisers qui sentaient bon le pain frais. La saison merveilleuse des ballades dans les blés mûrs où ils se faisaient une litière blonde et lisaient des passages des ‘fleurs du mal’ que Serge venait de découvrir dans la bibliothèque de sa grand-mère. L’été des questions sans réponse et des évidences qui échappaient aux grands, un temps où les discours partagés avec son âme-sœur ne souffraient d’aucune controverse : la vérité était belle, logique et unique. C’était la vérité de l’été qui avait précédé leur rentrée au lycée. Lycée où Serge rentra dans une bande de jeunes garçons de son quartier avec lesquels il fit les pires tours pendables. Il découvrit le plaisir d’habiter en ville avec les premières sorties, les bars sympas qui empestaient la cigarette, mais où les phrases prenaient plus de résonance avec un demi à la main. Il rencontra d’autres filles, qui parlaient le même langage que lui. Il se détourna de sa tendre campagnarde ingénue, doucement mais sûrement. Il avait commencé par remettre toujours au lendemain l’écriture de leur correspondance, qui autrefois le tenait éveillé tant qu’elle n’était pas expédiée, puis avait fini pas ne plus y penser du tout. Estelle, de son coté, commença à fumer de l’herbe après les cours avec ses copains du lycée professionnel de Marmande. Ils étaient beaucoup plus vieux qu’elle et plus experts dans l’art de donner du plaisir à la femme qu’elle était devenue que son coincé de parisien estival.

Leurs chemins se séparèrent si vite que l’été suivant, lorsqu’ils se rencontrèrent par hasard sur la place du village, rien ne semblait plus les rapprocher. Estelle avait encore évolué sur la voie de la belle rousse pulpeuse et libre qu’elle devenait un peu plus chaque jour. En croisant Serge elle eut presque un haut le cœur tellement ses souvenirs ne collaient plus à la réalité. Elle ne savait pas ce qu’elle avait pu trouver toutes ces années à ce freluquet imberbe en chemise malgré la chaleur et ses cheveux gominés lui donnaient un air de plouque perdu. Mais la palme du mauvais goût revenait sans conteste à ses ridicules chaussettes blanches étirées jusqu’aux genoux et dépassant de ses chaussures cirées ringardes. Serge, de son côté, aspirait à devenir artiste peintre et la paysanne, certes jolie, ne comprenait rien à ses idées. A chaque fois qu’il commençait une discussion, elle y coupait court en parlant de ses copains de Marmande qui eux faisaient ceci ou cela. Ils savaient s’amuser eux, ils étaient libres et avaient des motos. Ils l’emmèneraient fumer de la marijuana en Espagne l’été prochain, c’était prévu. Aux yeux de son ex-presque-amant, elle était devenue bassement matérielle et énumérait des listes colossales de noms de constructeurs et de cylindrées qu’il trouvait totalement futiles. Estelle ne connaissait ni Vian, ni Sartre, ni même sa Simone et ne savait même pas qui était Jean Cocteau et André Breton. Ils étaient tellement différents que leur dernière rencontre se limita à un échange sporadique de phrases blessantes et d’incompréhension mutuelle.
Ils étaient assis au bord du lavoir, chacun sur une berge, et ne trouvèrent aucun sujet sur lequel ils auraient pu tomber, un tant soit peu, d’accord. Ce joli petit lavoir était ombragé par un platane centenaire. Son écorce portait encore leurs initiales liées, de la pointe d’un couteau de cuisine, souvenir presque indélébile de leur complicité passée. Ce lavoir au bord duquel ils avaient autrefois refait le monde à la lueur de la voûte céleste, des paillettes plein leurs filets de voix. Les années d’entente cordiale et de rêves puérils se dissolvaient soudain comme une poignée de sable jetée en plein vent. A leur époque rebelle, celle des punks et des drogues artificielles, ni le petit garçon des villes, ni la jeune femme des champs ne trouva quoi que ce soit à raconter à l’Autre pour alimenter un dialogue. Les monologues s’enchainaient et le ton montait car chaque argument était décousu et visait surtout la susceptibilité adverse. Serge parlait alors de films qu’il n’avait pas vus pour se donner de la prestance et Estelle ne parlait que d’un certain Jim Morrison qui était le plus beau et le meilleur chanteur qu’elle n’avait jamais entendu. Il était mort tragiquement dans sa chambre d’hôtel, dix ans plus tôt. Comme pour proposer une trêve, un carrefour potentiel dans leurs vies, Estelle lui dit qu’elle et ses amis allaient d’ailleurs monter à Paris pour aller méditer sur sa tombe. Ils pensaient ainsi communier avec son âme en chantant ses refrains sacrés, ses hymnes libérateurs et ses chants envoûtants. Serge n’avait pas senti l’occasion de lui parler de sa ville et de lui proposer de jouer les guides. Au contraire, c’est à bride abattue qu’il s’engouffra dans ce qu’il crût être un moment de faiblesse. Il s’était empressé de traiter ses amis d’idiots abrutis par la drogue et le charisme d’un junkie dégénéré qui avait fini sa vie dans la bauge de dépravation qu’il s’était creusé à coup d’acide et de pétards. Mots qu’il avait entendu de la bouche de l’un des penseurs qu’il côtoyait dans les cafés de la butte Montmartre. Il ne connaissait même pas la vie de Jim Morrison, ni son œuvre et il s’en foutait éperdument. A cet instant, c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour blesser en retour cette jeune femme qu’il avait autrefois aimé et dont les yeux ne lui renvoyaient maintenant que mépris et dédain. Sa réaction de pure jalousie, quant au monde qui était maintenant celui d’Estelle, et dont elle l’excluait, eut raison du mince fil qui les liait encore. Estelle s’emballa, il avait eu le tort de s’attaquer de front à son idole. Elle se lança en répétant à son tour les mots qu’elle colportait sans en saisir le sens réel. Elle affubla Serge d’un tas de clichés sur les parisiens et le traita, entre autre, de fasciste, de petit bourgeois prétentieux, d’idiot formaté et de foutu capitaliste. A la suite de quoi, elle se leva et disparut définitivement de la petite vie estivale de Serge. Ses visites à sa Mamina se firent plus rares et espacées. D’ailleurs, malgré tout l’amour qu’il lui portait toujours, le petit Serge ne pouvait s’empêcher de trouver qu’elle se faisait de plus en plus vieille. Ses histoires commençaient à souffrir du temps et à tourner en boucle jusqu’à ce que les fins respectives ne se télescopent ou ne se dissipent dans une soupe de mots. Du moins, lors des passages de son petit-fils, elle semblait parfaitement heureuse et leur langage corporel d’échange restait si pur que les mots qui volaient dans les airs étaient couverts par les sons de leurs cœurs.