mardi 23 mars 2010

Le Sandwich Fabre-Eglantine

Enoncé de l'exo: le 8ème mois... un sacré soulagement !

Exercice de style by Fabienne


Le 8ème mois, vingtième décade, sextidi, 16 Germinal de l’an II, soit le 7 avril 1794. Aujourd’hui, Danton a été exécuté. Quatorze de ses amis ont été tués avant lui. Comme toujours, il a été d’un courage exemplaire. Au moment où il a mis sa tête sous la guillotine, noyée de rouge du sang de ses camarades, il a dit au bourreau Sanson : « n’oublie pas de montrer ma tête au peuple ! Il n’en voit pas tous les jours de pareille ! ». Faut dire qu’elle était pas super jojo, sa tête. Tout petit, un taureau lui avait fendu la lèvre. Il en avait gardé une vilaine cicatrice. Plus grand, il avait décidé de se venger du même taureau, mais une fois de plus, il n’avait pas eu le dessus et il avait eu le nez cassé d’un coup de sabot. Plus tard, il avait même attrapé la petite vérole...

Maintenant, je suis seul dans ma geôle, mais je sais bien que je ne vais plus y rester longtemps.

Depuis un mois et demi, Danton et ses amis, Delacroix, Desmoulins, Philippeaux, moi-même et une dizaine d’autres pourrissions dans cette prison sale et humide. Je ne peux pas dire qu’il était vraiment mon ami. J’avais bien profité de son influence. Il m’avait même nommé secrétaire quand il était ministre de la justice. C’était même peut-être à cause de moi qu’il se trouvaient là, à cause du scandale de la Compagnie des Indes. Car il n’y a que deux choses qui me passionnent dans la vie : la poésie et l’argent. La poésie, j’en fait mon affaire. Mais l’argent, l’argent....
J’ai trempé dans plein d’affaires véreuses. J’ai vendu, avec un énorme bénéfice, des souliers pour l’armée. Le problème, c’est qu’ils sont partis en morceaux au bout de douze heures. J’ai participé au montage d’une fructueuse opération de liquidation de sociétés commerciales et bancaires. En 1791, pour trois millions, j’ai même créé une tendance favorable à la monarchie au club des Jacobins !!! J’ai toujours pensé que la révolution me ferait mieux vivre que la poésie et je n’avais pas tort. Seulement, c’était un jeu dangereux.
Le théâtre pourtant est ma véritable passion, mais mes collègues qui me détestent, trouvent mes pièces médiocres. Qui se souviendra du « Poète provincial à Paris », d’ « Augusta » ou de la « suite du Misanthrope » ? Peut-être ne restera-t-il de moi que quelques notes que les générations futures chantonneront sans même y penser : « Il pleut, il pleut bergère, rentre tes blancs moutons »... Qui pourra dire que je l’avais écrite pour l’opéra comique Laure et Pétrarque ?
Tout chez moi n’est que mensonge. Et même mon nom.
Je m’appelle Fabre.
La première fois que j’ai participé aux jeux floraux de Toulouse, j’ai eu le deuxième prix, un lys d’argent pour mon « sonnet à la vierge ». Mais moi, j’avais beaucoup d’ambition alors, j’ai fait croire que j’avais eu le premier prix, l’églantine d’or. Et puis, Fabre du Lys, qui y aurait cru ? Alors que Fabre d’Eglantine, c’était à la fois noble, poétique et fier... Certainement un nom qui passera à la postérité, ne serait-ce que pour mon calendrier républicain !

Voilà, le gardien mi-appitoyé, mi-moqueur vient de me prévenir : demain, ce sera mon tour. Je ne crois pas que j’aurais le courage de Danton. Peut-être même vais-je pleurer comme un enfant... mais pour tous, ce sera la fin de la Terreur, un sacré soulagement !

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