lundi 8 novembre 2010

Paul Teurgeust By Fab

Consigne : 4 mots : acidulé, entaché, poltergeist, détaché

- Si ! Ah, si ! du lait... il m’a demandé du lait avant de refermer la porte derrière lui et de se coucher.
-Quelle heure était-il ?
-21 heures, comme tous les soirs
-Il dormait dans son bureau ?
-Oui, depuis quelques temps, il avait des problèmes de dos qui le faisaient atrocement souffrir. D’ailleurs, une kiné venait tous les matins. C’était plus pratique pour lui et puis, il ne voulait pas me déranger.
-Et ensuite ?
-Ensuite, je suis allée dans la salle à manger prendre mon repas.
-Seule ?
-Non, mon mari ne pouvait plus dîner avec moi, mais il tenait absolument à ce que je dîne avec Stéphane, son fils, afin de maintenir les liens familiaux, disait-il
-Était-ce le cas ?
-Non, hélas. Stéphane me déteste depuis le premier jour où son père m’a présenté à lui. Ses dîners se déroulent dans un silence glacial car nous n’avons rien à nous dire.
-Pourquoi vous déteste-t-il, selon vous ?
-Il pense que, compte tenu de notre grande différence d’âge, je n’ai séduit son père que pour son argent. Mais c’est faux, Monsieur le Commissaire, j’aime profondément mon mari. Certes, j’ai vingt cinq ans de moins que lui, mais les hommes de mon âge ou plus jeunes ne m’ont jamais intéressés. Et puis, mon mari est un être infiniment bon et sensible, généreux aussi bien sûr. Il a su me redonner confiance en moi, me protéger de la vie...
-Depuis combien de temps êtes-vous mariés ?
-Trois ans. C’est sûr que nous nous sommes mariés rapidement, mais Paul ne voulait pas attendre. Il avait déjà soixante dix ans et disait qu’il ne lui restait que peu d’années à vivre, mais qu’il avait droit au bonheur... avec moi... Et je vous assure, Commissaire, notre bonheur aurait été parfait s’il n’y avait pas eu Stéphane.
-Quels sont vos sentiments vis-à-vis de votre beau-fils ?
-Au début, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour qu’il m’accepte, non pas comme une mère, certes, mais au moins comme une amie. Et puis, son attitude, ses incessantes remarques désobligeantes à mon égard ont eu raison de ma patience et de mes efforts. Depuis, j’adopte, envers lui, une politesse tout à fait conventionnelle.
-Pouvez-vous me dire ce qu’il s’est passé ce soir-là ?
-Vers 22 heures, Marie, la servante avait desservi la table et était partie se coucher. Elle préférait ranger tôt le lendemain matin. Moi, je suis montée me coucher dans ma chambre, au premier. J’ai pris un somnifère, comme tous les soirs. J’ai lu quelques pages de mon livre mais me suis bien vite assoupie. J’ai été réveillée par un bruit de lutte. Ma chambre se trouve juste au-dessus du bureau. J’ai mis un peu de temps à reprendre mes esprits, pensant que j’avais fait un cauchemar. Plus aucun bruit ne se faisait entendre. Malgré tout, j’ai mis ma robe de chambre et suis descendue dans le bureau. La porte était fermée à clé.
-Était-ce normal ?
-Oui, mon mari dort peu et ne veut pas que Marie le dérange quand il lui arrive de somnoler.
-Et alors ?
-Alors, j’ai tapé à la porte et.... c’est Stéphane qui m’a ouvert. Il avait l’air aussi bouleversé que moi-même. Là, sur le plancher, ne restait que le pyjama de mon mari. En tas ! Cherchez-le, Commissaire, je vous en conjure !
-Nous ferons notre possible, Madame.
Brigadier, faites entrer Monsieur Stéphane.

Un jeune homme d’environ trente cinq ans entra. Ses traits, qui avaient su garder des expressions enfantines étaient réguliers. Il était plutôt bel homme. Tout comme sa belle-mère, il avait les yeux rougis et l’air égaré.

Le commissaire se mit à réfléchir, puis résuma :

-à 21 heures, vous , Madame, vous avez amené un verre de lait à votre mari, Monsieur Paul TEURGUEST, PDG des fameux « petits pâtés Teurguest », entreprise internationale. Il a refermé la porte à clé derrière vous. A 22 heures, Madame Eléonore TEURGUEST, épouse du disparu, êtes montée dans votre chambre.
Et vous ? Monsieur Stéphane ? Qu’avez-vous fait pendant ce temps-là ?
-je suis allé fumer un cigare et boire un cognac dans le petit salon.
-Vers 23h30, du bruit, vraisemblablement venu du bureau de votre mari vous réveille, vous Madame. Avez-vous entendu quelque chose, Monsieur Stéphane ?
-Vaguement. Le petit salon est situé loin du bureau, de l’autre côté de la maison. Cependant, je suis quand même allé voir si mon père avait besoin de quelque chose. La porte était fermée à clé. Je suis rapidement sorti car la fenêtre du bureau donne sur la façade. Celle-ci était cassée et ouverte en grand. Il y avait eu une lutte car des objets étaient renversés.
Quelqu’un a tapé à la porte. Je suis allé ouvrir. C’était Eléonore. Elle avait l’air très angoissée. Elle s’est mise à crier quand elle a vu le pyjama sur le plancher. Moi-même, je n’avais pas eu le temps de le voir. Mon père n’était plus là... il avait disparu.

-Pensez-vous qu’il puisse s’agir d’une fugue ?
-Une fugue ? vous n’y pensez pas, Commissaire, fit Eléonore d’un air incrédule. Au non, Commissaire, il n’y avait aucune raison. Paul semblait si heureux, malgré ses souffrances physiques. Et d’ailleurs, nous faisions tout notre possible pour les atténuer. D’autre part, nous n’avons jamais fait état devant lui de notre... mésentente, son fils et moi, dit-elle en regardant d’un air de reproche Stéphane.
-Monsieur Stéphane, quels étaient vos rapports avec votre père ?
-Excellents, Commissaire, fit ce dernier d’une voix chevrotante. Mon père est quelqu’un d’exceptionnel que j’admire plus que tout. Nous sommes très près l’un de l’autre depuis le décès de ma mère, il y a dix ans. Nous avons régulièrement de grandes conversations sur tous les sujets. Père est très ouvert et a une intelligence très vive. Je suis bouleversé que quelqu’un ait voulu lui faire du mal. Et si je n’avais pas vu sa femme devant sa porte et si bouleversée, j’aurais pensé que c’était elle qui avait manigancé sa disparition. Maintenant, je regrette... . Qu’en pensez-vous, Commissaire ?
-Je pense que Monsieur TEURGUEST a été enlevé et qu’une demande de rançon ne va pas tarder à arriver.
-Eléonore, pouvons-nous faire une trêve et unir nos forces pour le retrouver ? fit Stéphane en tendant la main à sa belle-mère
-Oui, Stéphane, mon vœu le plus cher est que nous le retrouvions, à n’importe quel prix !
-Je vais mettre le téléphone sur écoute, ainsi, nous aurons peut-être la possibilité de localiser les kidnappeurs. Je vous remercie tous deux de votre collaboration.

Le commissaire tourna le dos et partit. Il ne vit pas le regard étrange qu’échangèrent Stéphane et Eléonore. La haine qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre était leur alibi...

Eléonore se revit mettre un puissant somnifère dans le lait de son mari. Stéphane n’avait eu qu’à exécuter la suite du plan.
Stéphane... qu’elle avait aimé dès qu’elle l’avait vu et dont elle était la maîtresse insatiable. Elle avait passé trois longues années avec son père, ce vieillard malade et grincheux. Elle avait mérité d’être enfin heureuse et l’avenir s’annonçait radieux ! Evidemment, il allait falloir faire attention, très attention même pour que personne ne les soupçonne. Ensuite, leur rapprochement semblera évident, ils se « consoleront » tous deux de cette grande « perte ». Un léger sourire se dessina sur ses lèvres pleines et si bien dessinées.

Stéphane, quant à lui, admirait Eléonore. Non seulement elle était d’une beauté à couper le souffle, mais son côté fleur bleue doté d’un machiavélisme incroyable lui plaisaient plus que tout.
Ils allaient bien s’amuser avec l’argent du vieux. Ce vieux radin, qu’il avait supporté si longtemps... Évidemment, au début, il faudrait faire très attention, ne pas commettre d’erreurs.
Et si, par la suite, les années qui les séparaient venaient à lui peser, il saurait s’en débarrasser. Il était à la bonne école avec elle, elle lui avait apprit tant de choses....


FIN

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