lundi 9 mars 2009

Quand sonnera le glas...

Toc toc toc!
3 légers coups.

Qui va là à cette heure-ci?
Vu la façon de frapper, cela doit être une gente dame.
Arrive le fils aîné de son pas décidé...il m'empoigne fermement et me tourne sans ménagement. Aïe, j'ai dû le déranger. Hum, que peut-il bien faire de si intéressant? Vu l'heure, sûrement pas grand chose, déjà qu'il fiche que dalle la journée...
- Bonsoir monsieur, excusez-moi mais...
Le timbre de sa voix est agréable à entendre, voire mélodieux.
J'enrage de ne pouvoir voir ces visages car je suis trop mal placée, alors je les imagine par rapport aux voix: dentitions parfaites, larges bouches, trait ingrats, regards perçants, mines patibulaires, maigres, grassouillets, vieux, jeunes, fumeurs, bonne santé...

Malgré cela, je remplis mon rôle parfaitement. Sans moi impossible de bloquer les battants et donc d'assurer la sécurité de la maisonnée ou de garder l'intimité familiale. Et ce depuis 5 générations. Je suis bien fière de ma responsabilité et de mon ancienneté. J'ai été là depuis le début.
En retour, j'aimerai qu'on me bichonne un petit peu plus, ou qu'on me traite avec plus de considération. Mais c'est plutôt chose rare.

Le seul moment où l'on a pris soin de moi fut quand on a essayé de me faire tourner par effraction. Un rustre m'avait enfoncé un objet en métal pointu dans mon dos et vlan, la pointe s'est brisée et est restée coincée. Je n'ai pas souffert le martyr mais disons que la chose me gênait. Et là, j'ai eu toute l'attention du monde. Ils s'étaient mis à trois à me démonter et à essayer de m'enlever cette chose tant bien que mal. Après cela, j'ai été polie, huilée...chouchoutée quoi!

J'aime quand c'est elle qui me tourne. C'est toujours agréable de sentir une paume chaude sans callosité sur soi, et des doigts comme des caresses, et ce voile de parfum enivrant quand elle se précipite vers moi. Comment pourrais-je me lasser? J'aimerai que ce soit exclusivement elle qui me manie.

Mais non, elle n'est pas seule, il y ce grand dadais, et ce gamin que je surnomme "turbulence", un vrai petit diable. Je le déteste, jamais il ne se lave les mains, ils sont toujours remplis de morve ou de je ne sais quoi...beurk! L'avoir sur moi une seule fois par jour me ferait mourir d'overdose!

En parlant de fréquence, je ne compte plus le nombre de fois qu'on me tourne dans la journée.
Plutôt content du rythme, car en fait, cela m'évite de rouiller.
Au fond, il vaut mieux cette poignée de forcené et cette petite main pleine de saletés que rien.

Je n'ose imaginer le jour où l'on se débarrassera de moi. Quand on me trouvera trop vieillotte ou démodée. Déjà, on a rajouté un taquet au dessus de moi. Cette concurrence m'attriste car cela voudrait dire que je ne suis plus si utile que ça, après tant d'années de loyaux services.

Et si on se séparait de moi un jour, où vais-je finir?
D'autres personnes voudraient-elles toujours de moi?
De tout coeur, je l'espère. Ma carrière ne peut pas s'arrêter ainsi, ce serait trop bête.

Le marché regorge d'espagnolette, mais imaginez-vous tout ce qui a été utilisé pour me fabriquer? Ce serait porter un autre coup à cette bonne vieille planète si on ne me recyclait pas.

2 commentaires:

  1. Le marché déborde, regorge ou 'est inondé' je pense Miss Caudex.

    Bel exercice de péristyle...hihihi A croire que tu as dejà vecu une vie d'espagnolette ;-)) A bientot

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