mercredi 17 mars 2010

Jamblaya

JAMBALAYA


En face de la ville de Salvador de Bahia au Brésil, est posée, comme un gros rocher sur l'eau de l'Océan Atlantique, une petite île appelée Itaparica.
Les très vieilles personnes vivant là aiment quelquefois à raconter l'histoire étrange arrivée il y a bien longtemps à Paolo.

Quand on vit au bord de la mer et que l'on est pêcheur, ce n'est pas tous les jours que l'on ramène des poissons ; ceci tous les pêcheurs du monde le diront.

Il y a bien longtemps donc, Paolo était pêcheur. Oh, de pêcheur, il n'en avait que le nom ! jamais personne n'avait passé autant de temps en mer pour ramener si peu de poissons, jamais !

Les habitants de son île ne se moquaient même plus de lui. Ils le regardaient avec une certaine tristesse tant Paolo était pauvre. Chacun disait que ce pauvre garçon n'avait vraiment pas de chance, qu'un enfant de 5 ans attraperait plus de poissons que lui, et qu'en fin de compte, il ferait mieux de changer de métier. Mais Paolo était heureux et libre comme un oiseau. Il sifflait comme un pinson toute la journée.

Un soir, Paolo s'était attardé en mer. Comme d'habitude, il n'avait rien pêché sinon quelques petits poissons pour ne juste pas mourir de faim ce jour-là.
Il s'apprêtait, avant de rentrer, à remonter une dernière fois son filet, il le trouva très lourd et dut s'y reprendre à plusieurs reprises pour le hisser à bord. Comme cela lui arrivait quelquefois, Paolo pensait qu'il était en train de remonter un gros caillou qui se coinçait souvent dans les mailles du filet. Quand tout fut déposé au fond de la barque, Paolo faillit sauter à l'eau tant il eut peur...
Là, dans le filet, un bras et une main se tendaient vers lui. C’était une belle main, aux doigts fins et aux ongles longs et blancs. Comme cela bougeait, Paolo pensa que la personne vivait encore et il s’empressa de dégager le filet qui l’entourait.

C’est ce moment que choisirent les nuages pour s’écarter et laisser apparaître une pleine lune qui vint en curieuse éclairer la barque du pêcheur. Une superbe jeune femme était allongée au milieu de la barque de Paolo. Elle portait un vêtement bleu clair qui semblait fait d’air et d’eau tant il était fluide et léger. Elle vivait mais semblait épuisée. Paolo crut avoir à faire à une sirène : oh, il n’en avait jamais vue mais d’autres pêcheurs assuraient que cela existait... et qu’eux-mêmes en avaient rencontrées, qu’ils avaient dû se boucher très fort les oreilles pour ne pas succomber à leur chant qui les entraînait au fond de l’eau.

Maintenant, la jeune femme semblait dormir. Paolo s’approcha un peu plus pour la contempler. Elle avait des cheveux longs et soyeux. Sa peau était blanche et sans défaut. Sa bouche entrouverte, rouge comme les cerises bien mûres dont il se régalait au cœur de l’été laissait voir ses dents, perles de nacre. Ses oreilles étaient petites et parfaites, telles des coquillages abandonnés sur le sable.

Au moment où elle ouvrit les yeux, il lui sembla voir toute la profondeur de l’océan, tant ils étaient bleus et son regard profond.... et pour son plus grand malheur, il en tomba tout de suite amoureux.

La belle inconnue s’appelait Jambalaya. Paolo la ramena chez lui et au moment où il franchit la porte de sa modeste cabane de pêcheur, il en eut honte. Pour la première fois, il réalisait dans quelle misère il vivait : les chaises bancales et dépareillées, les murs de tourbe, sans rien pour les décorer, le lit, simple planche de bois. Il aurait voulu posséder un magnifique palais avec des centaines de domestiques, de la vaisselle en or, des couches profondes et confortables, qui auraient servi d’écrin à ce qui lui semblait une princesse.

Alors, il se mit à travailler nuit et jour. Il dépouilla la mer de toutes ses richesses naturelles. Il devint même malhonnête, trempant dans toutes sortes de trafics pour pouvoir offrir à Jambalaya tout ce qu’elle désirait.

Mais la belle n’était jamais satisfaite et il devait toujours avoir encore plus d’argent, encore plus.... Son humeur s’assombrit, il ne souriait plus jamais. Il lui acheta une très belle demeure. Dans les jardins, des jets d’eau servaient de piscines à des oiseaux tropicaux aux plumages chatoyants. Les meubles étaient d’ébène, la vaisselle d’or et les placards ne pouvaient contenir toutes les superbes robes de Jambalaya.

Mais la belle n’était jamais satisfaite. Alors Paolo s’assombrit encore plus. Il s’apercevait qu’il n’était pas heureux. Il s’apercevait qu’il aurait dû épouser Léa, la fille du vieux Théo, qui était peut-être moins belle que Jambalaya mais qui était douce et gentille et ne réclamait jamais rien. Avec elle, il n’aurait pas été riche, mais il aurait vécu une vie simple et heureuse, entouré de sa femme et de ses enfants. Il s’apercevait que le secret du bonheur n’est pas AVOIR, mais ETRE.

Alors il fut pris d’une colère effrayante envers cette femme cruelle et dédaigneuse. Il revint chez lui et l’étrangla. Puis il mit son corps dans sa vieille barque qu’il n’avait jamais détruite et partit loin, loin sur la mer.

On ne les retrouva jamais... Mais maintenant, dans cette petite île d’Itaparica, on dit que Paolo est le patron des pauvres pêcheurs et que Jambalaya est la déesse de la mer, crainte par tous les habitants du village et que l’on honore une fois par an, en lui offrant toute sortes de cadeaux. On dit aussi que si les cadeaux ne sont pas assez beaux, Jambalaya se venge et prend la vie des pauvres pêcheurs.

Par Fabienne

1 commentaire:

  1. La mise en page de Fab était bien agréable mais malheureusement blogspot a un peu changé et je n'arrive plus à insérer des photos....

    Heureusement, le texte reste aussi savoureux

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